mercredi 20 mai 2009

L'Epopée Poitevine: Retour à Saint Benoît










'Notre Dame La Grande ce chef d'oeuvre de l'Art romain symbolise ce que nous aimions partager. Un lieu inoubliable si profondément attaché à Marie Mich'
C’est sans regret que le Mardi 5 Septembre 1985, je quittais cet appartement que j’occupais depuis quelques mois à peine. La parenthèse Vendômoise se refermait sans état d’âme. Je chargeais la voiture d’un maximum de choses que je pouvais emporter. J’éprouvais au fond de moi-même une réelle joie à la pensée de retrouver Poitiers avec ses églises romanes : Notre Dame La Grande, Sainte Radegonde, nos ballades dans le quartier médiéval de la vieille cité. Cette ville chère à Aliénor D’Aquitaine et où des poètes comme Joachim Du Bellay et le célèbre Ronsard firent rayonner la culture française à travers toute l’Europe. Ces rues que nous avions tant de fois foulées de nos pas, tout cela allait ressurgir pour effacer l’affront de Vendôme.
Pourtant pour éviter d’inévitables railleries des ressortissants de Pierre Garnier, j’évitais, en semaine, de me rendre dans le cœur de la cité. A cette époque de l’année les jours commençaient à raccourcir, ce qui me permis le soir d’aller chercher Marie Mich à L’Institut Jacques Trivas là où elle continuait à exercer son difficile métier d’infirmière auprès de jeunes filles caractérielles. C’était aussi une façon de s’évader un peu de la rue des Fougères où j’étais retranché.
Dans les semaines qui suivirent, Marie Mich me fit part des craintes qu’elle avait pour son emploi car l’institut qui était géré par le CREAI, semblait rencontrer des difficultés financières. L’institut pouvait difficilement se passer d’infirmière, je cherchais donc à la rassurer. Pourtant le poste fut bel et bien supprimé ; Marie Mich due accepter un poste d’infirmière dans un centre pour adultes polyhandicapés. Quelque fois j’allais à son encontre à la sortie de son travail. L’ambiance qui y régnait n’était pas sans me rappeler le temps de Ville Evrard :’ La Fosse aux Serpents’.
Pourtant malgré toutes ces vicissitudes, on s’efforçait de reprendre le mode de vie que nous avions adopté du temps de Pierre Garnier. A cette époque François devait être déjà en deuxième année d’AES. Pour se faire un peu d’argent de poche il vendait des billets de cinéma dans une salle située à proximité de la célèbre place d’Armes. C’est ainsi que, par ses libéralités, l’on vit ‘La Guerre du Feu’ réalisé par Jean Jacques Annaud. Ce film qui narre l’épopée de trois guerriers Homo Sapiens partis à la recherche du feu qu’ils ne savent pas encore allumer. Cette aventure de Noah, Amoukar et Gaw, 'le retour au primitif' dont parlait tant Marie Mich. Ou encore le célèbre film de Steven Spielberg : E.T un botaniste extra terrestre qui doit être abandonné par les siens sur notre planète et traqué par la brutalité des hommes. Cette histoire merveilleuse et émouvante qui nait entre E.T avec ce petit garçon Elliot dont il devient dépendant : ‘Téléphon'Maison’.
La Croisade pour L’Emploi :

Déjà à cette époque l’économie française marquait des signes de faiblesses dont les premières victimes furent les cadres qui éprouvaient de plus en plus de difficultés à retrouver un nouvel emploi. C’est dans ces conditions de morosité que je m’attelais à rechercher un nouveau job. Très rapidement je compris qu’il fallait que j’abandonne la filière des cliniques qui offrait peu de perspectives. Toutefois mon expérience acquise à L’IME Pierre Garnier complétée par celle de Vendôme était susceptible d’intéresser d’importantes associations gestionnaires d’établissements d’enfants souffrant d’handicaps divers. Ainsi un poste de Secrétaire Général d’association me paraissait être de nature à intéresser un éventuel employeur si ce type de poste se présentait. Une opportunité se présenta en début d’année 1986, il s’agissait d’une importante association gestionnaire d’établissements implantée à La Rochelle. De nouveau l’espoir frappait à notre porte, d’autant que Poitiers était distante seulement de 135 kms et que Marie Mich, à l’inverse de Vendôme, affectionnait particulièrement la région. J’adressais mon curriculum vitae à l’association qui ne manqua pas de me convoquer pour un premier entretien. C’était un signe que mon cursus passait le premier tri de sélection et que j’appartenais au groupe de candidats qui étaient auditionnés. Marie Mich fut émoustillée par cette convocation, et pour satisfaire son insatiable curiosité on alla se balader un dimanche à La Rochelle et dans ses environs. Elle imaginait déjà venir de Poitiers et s’échapper un peu du nouveau poste qu’elle occupait auprès des ‘Gogols’.Je voulais freiner son enthousiasme, car les jeux étaient encore loin d’être faits. Malheureusement, je ne fus jamais convoqué pour un deuxième entretien. Je fus déçu car c’était aussi une région dans laquelle j’aurais aimé y vivre en sa compagnie et que l’unité Poitiers-la Rochelle aurait été préservée. La providence en a voulu autrement, il fallait malheureusement s’y résoudre.
D’autres postes se présentèrent du côté de Lyon où je dus m’y rendre à deux reprises. Il fallait que je prenne la route à quatre heures du matin pour me rendre aux rendez vous que je demandais de fixer en fin de matinée. J’avais ainsi à parcourir près de six cents kilomètres sur des axes transversaux qui accroissaient la pénibilité du trajet. J’arrivais souvent exténué, et j’avais tout juste une demi-heure pour récupérer avant de me présenter aux entretiens. Puis c’était le retour vers la lointaine Poitiers où j’arrivais tard dans la nuit. Marie Mich dormait et ce n’est que le lendemain en soirée après son travail que je lui faisais part de mon entretien.
Ainsi durant six longs mois je consacrais mes matinées à éplucher la revue de L’Association pour L’Emploi des Cadres : L’APEC, ainsi que Le Monde dans son édition du mardi qui réservait une publication spéciale pour les offres d’emplois. Dans le courant du mois de Mars je pris connaissance d’une nouvelle proposition de L’APEC. C'est elle-même qui recherchait son futur responsable de l'antenne qu’elle ouvrait sur Poitiers. Je m’empressais d’y faire acte de candidature en mettant en relief l’expérience que j’avais acquise à la FNCA qui était une importante fédération de la CGC; en outre je faisais valoir ma connaissance du Poitou où je résidais depuis 1982.Je fus convoqué et j’eus un nouvel espoir d’être retenu car mon expérience professionnelle répondait sur de nombreux points aux exigences rattachées au poste. Ce fut une nouvelle déception.
Le même mois, je relevais une offre qui paraissait dans la revue des cadres concernant un important organisme de services à domicile qui recherchait son Directeur pour le Nord Finistère. Il s’agissait de prendre en charge la gestion administrative et financière de l’organisme, d’en assurer l’animation et la coordination des relations avec les différents financeurs. Ne connaissant nullement ce secteur d’activité, je répondais néanmoins en tous points aux exigences rattachées au poste. Je posais ma candidature plus par acquis de conscience que par un réel intérêt que je portais à l’offre. A mon grand étonnement, je fus convoqué à Paris par CAPFOR qui était l’organisme chargé du recrutement. L’audition se déroula dans d’excellentes conditions, laissant clairement présager que je serais convoqué pour un deuxième entretien. Dans les quinze jours qui suivirent je reçu un appel du cabinet qui me proposait de me rendre à un entretien se déroulant le lundi 14 avril 1986 à 15 heures. L’entretien était fixé au 3 rue Dupleix à Brest au centre d’affaire de Coat Ar Guéven. C’est ainsi que je quittais Poitiers vers sept heures du matin afin de me rendre dans ce coin reculé de la Bretagne que les Bretons eux-mêmes désignent sous le vocable de Pen Ar Bed : ‘Le bout de la terre’. L’entretien se déroula en présence d’un dénommé Mevellec qui représentait CAPFOR avec la participation des membres du bureau de l’organisme. A l’issue de l’entretien le responsable du cabinet me laissa clairement entrevoir que ma candidature avait toutes les chances d’aboutir. Je quittais Brest soulagé, mais au fond de moi-même c’était loin d’être l’euphorie. Un tel poste si loin mettait en perspective la fin de ma relation avec Marie Mich ; cela m’oppressait, m’angoissait. Pourtant, il fallait aller de l’avant.
Ballade à Pen Ar Bed :

Cela faisait déjà plus d’une dizaine de jours que j’étais revenu de mon lointain entretien breton, sans avoir la moindre nouvelle de la suite qui était donnée à ma candidature. Je pensais qu’un autre candidat aux prétentions moindres avait dût être retenu. Cela faisait partie de la règle du jeu. Pourtant un matin je reçu un appel d’une personne se présentant comme Présidente de l’organisme, me confirmant que ma candidature était retenue. Il me fut demandé à quelle date je pouvais prendre mes fonctions. Voulant concrétiser rapidement ce nouvel emploi, j’indiquais pouvoir être en mesure de prendre mes fonctions dès le 1er juin 1986. Chose curieuse, je ne reçu jamais de courrier officialisant cet entretien téléphonique.
Marie Mich voulu que l’on se rende en Bretagne pour aller en reconnaissance. C’est ainsi que l’on se rendit à Plabennec où se trouvait le siège de l’organisme. C’était le Dimanche 18 Mai 1986, il faisait beau, et je ne pus imaginer un seul instant ce que pouvait être le climat breton. L’immeuble qui abritait le siège de L’Aide à Domicile en Milieu Rural : l’ADMR29 était l’ancien local du crédit Agricole qui se trouvait juste après la place du marché dans la rue du Maréchal Leclerc, sur la route qui mène à Lesneven. On alla à l’arrière de l’immeuble où se trouvait un petit parking qui longeait une partie des bureaux. J’aperçu dans une petite pièce de rangement des cartons éventrés d’où sortaient des centaines de feuilles de paies. Ce désordre concernant ce type de documents me fit une très mauvaise impression, qui se révéla plus tard être une juste intuition. Mais sur l’instant je n’en touchais mot à Marie Mich. Un profond malaise venait de s’abattre sur moi, il allait durer plus de dix huit ans. Qu’en était-il pour Marie Mich, je ne le sus jamais, ou du moins on évita de se poser la question. Notre visite achevée on reprit la route pour Saint Benoit. Ce furent les derniers jours qui marquèrent la fin de cette fabuleuse épopée Poitevine. Epopée, qui reste profondément ancrée dans mon cœur, car cela correspond à une période douloureuse de ma vie mais qui m’avait permis de survivre : 'Madame de Lizant'.
Le Départ :

Il me restait une dizaine de jours pour trouver un logement et organiser mon déménagement. Je dus revenir à Brest dans les jours qui suivirent. En cette période de l’année, je pus trouver facilement un logement situé au 32 rue de Paris en direction de Guipavas. L’appartement était à proximité de la place de Strasbourg et me donnait une facilité d’accès à la route de Gouesnou pour me rendre à Plabennec qui allait bientôt devenir mon nouveau lieu de travail. Je contactais également un déménageur : ‘Les Déménageurs Bretons’ qui pouvaient m’acheminer mes meubles pour le 2 Juin 1986 qui marquait le départ de ma location.
Le transporteur était venu charger mes meubles le samedi 31 mai, afin de pouvoir prendre la route le dimanche soir. Je décidais alors de les suivre sur cette longue route de l’exil. Je quittais, donc, Saint Benoit Dimanche soir vers 22 heures ; en cette époque de l’année, cela marquait le début de la nuit. Durant tous ces instants, je cherchais à ne pas penser pour avoir le courage de partir. Marie Mich s’était faite discrète, comme si nous appréhendions ce moment fatidique. L’heure était arrivée, pour s’élancer sur le long ruban noir comme un certain soir de Janvier 1971 pour rejoindre le macrocosme. Cette fois c’était partir en terre inconnue sans savoir si un jour je pourrai en revenir. Ce fut le trajet le plus long de toute ma vie, je m’arrêtais plusieurs fois et j’arrivais en vue de la rade de Brest vers quatre heures du matin. Il y avait une sorte de brouillard avec de fines gouttelettes de pluie, je venais de faire connaissance avec le crachin.
Je m’arrêtais sur une aire de stationnement pour dormir un peu. Vers sept heures du matin je fus réveillé par la circulation qui commençait à reprendre. Une demi-heure plus tard je garais mon véhicule en bas de la rue de Siam. Je devais attendre neuf heures pour que l’agence ouvre afin que l’on me remette les clefs du 32 rue de Paris.
La rue était déserte, le temps était humide et froid digne d’un mois de novembre. Je sentais les sanglots étrangler ma gorge qui était dure comme de l’acier. Une cabine téléphonique se dressait devant moi. Je composais ce numéro magique pour entendre un peu Marie Mich qui venait à peine de se lever. La terrible quête de Pen Ar Bed venait de commencer.

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