mardi 23 juin 2009

Epilogue: Mitakuye Oyasin





"Mitakuye Oyasin signifie 'Nous sommes tous reliés' en langage Lakoia qui se parle au Népal."


Au printemps de l’année 1998, alors que mon divorce venait d’être prononcé, je sortais affaibli par cette nouvelle épreuve. Je résidais toujours à l’Hôtel Center, et je n’avais même pas recherché à retourner voir la maison du Drennec qui restait inoccupée depuis le mois de mars, date où avait été rendu le jugement.
En soirée du 18 Mai alors que je rejoignais mon hôtel, un courrier du ‘Centurion Del Djem’ m’attendait à la réception. Quatorze longues années s’étaient écoulées sans jamais recevoir de ses nouvelles. Les seules auxquelles j’avais eu droit étaient celles que sa mère ne manquait pas de m’adresser chaque année lors de l’actualisation de la pension alimentaire que je lui versais.
Dans ce courrier, Olivier m’indiquait qu’elle aurait été la seule à lui offrir tout ce dont il avait besoin ; sa démarche semblait guidée par un souci de mieux se connaître lui-même : ‘de ses gènes’, pour mieux se comprendre : ‘la moitié qui m’a crée’, écrivait-il avec une certaine outrecuidance. L’approche était à tout le moins surprenante, mais après un si long silence, elle avait le mérite d’exister.
Pourtant certaines de ses allégations étaient difficilement acceptables : ‘ elle a merveilleusement bien accomplie cette tâche de m’élever et de faire ce que je suis aujourd’hui, à tel point que ton absence ne s’est jamais ressentie, elle a su combler ce vide’. L’assertion était irrecevable au regard des évènements qui furent décrits dans ‘La fosse aux serpents’ au chapitre relatif ‘Embarquement pour le Hadès’.
Ainsi quel était donc le motif réel de cette lettre où ‘Le Centurion Del Djem’ ne cachait pas l’image négative qu’il avait de son père dont ‘l’absence’ ne lui avait nullement manquée ?
Dans un souci de conciliation, je minimisais la dureté de tels propos qui relevaient en fait du complexe d’Œdipe. Olivier devait vivre cet affrontement avec le père qui lui avait tant manqué quoiqu’il en dise. Moi même son absence, dans mon exil de Pen Ar Bed, me faisait accepter cette manifestation de défiance dont il avait besoin pour s’affirmer dans la vie.
Par la suite nos rapports se normalisèrent, mais le vide généré par ces longues années de silence restait omniprésent. J’avais été empêché de pouvoir l’accompagner durant toute son adolescence et ce manque ne pouvait malheureusement être comblé par quelques rares entrevues que nous pouvions avoir.
L’espace qui nous séparait contribuait dans une large mesure à renforcer l’isolement des années antérieures. L’internet haut débit permettant d’abolir l’espace n’existait pas encore. Google, ce Gandalf des temps modernes n’était pas encore en mesure d’agir au niveau des messageries instantanées et autres webcams.
Lorsqu’il me fit part de sa décision d’abandonner de ses études d’infirmier, je ne pus que la déplorer. A mon sens cela constituait une erreur d’analyse, c’est donc avec résignation que je voyais ‘Le Centurion Del Djem’ emprunter les chemins du chaos avec une insouciance déconcertante. Mais je ne souhaitais pas m’opposer à son choix qui aurait immanquablement conduit à un conflit que je voulais à tous prix éviter. La connaissance est seule transmissible, l’expérience ne peut qu’être personnelle.
Par la suite il me fit part de la connaissance d’une certaine ‘Ingrid’ qu’il aurait rencontré lors d’un séjour à l’ile de la Réunion. Selon ses propos, la relation fut dès le départ tumultueuse ne laissant rien présager de bon pour l’avenir. Sur ce point encore j’étais mal placé pour le conseiller judicieusement. Lui-même dès mars 2003 alors que nous étions venus lui rendre visite à Biviers près de Grenoble, il s’interrogeait sur l’opportunité de poursuivre cette relation qui se plaçait en contradiction avec les objectifs de vie qu’il s’était fixé. C’est dans ce contexte houleux qu’il nous accompagna jusqu’à Tallard où il fit connaissance de ma sœur, sa jeune Tante, issue de la ‘Dynastie Malcorienne’.
Par la suite ce fut ‘le silence radio’. Une année s’écoula sans avoir de ses nouvelles. Ainsi j’étais loin de me douter que le 7 Mars 2004, Ingrid donnait naissance à Ilan mon deuxième petit fils. Le seul à hériter du patronyme de ‘Louis Le Magnifique’. C’était un heureux évènement et une surprise tout à fait inattendue.
A l’époque je venais de quitter la Bretagne et nous demeurions avec Anne à Morières les Avignon en attente de notre appartement de Marseille qui devait nous être livré à la fin du premier semestre de l’année en cours.
On se rendit une nouvelle fois à Biviers cette petite commune de L’Isère là où ‘Madame de Lizant’, dans les années sixties, avait acquis avec son ex mari un chalet de Montagne ‘Le Montalieu’ situé à une vingtaine de mètres de son domicile. Madame de Lizant qu’il avait connu lorsqu’il venait passer ses vacances à Saint Benoit et décrites lors de ‘L’Epopée Poitevine’ dans les années 82 à 85.
Ainsi Olivier fondait à son tour cette cellule sociale fondamentale, la seule, qui puisse apporter à l’enfant la structure d’accueil favorisant son épanouissement. Cette structure sociale dont il avait était privé ainsi que son père. Ainsi ‘Le Centurion Del Djem’ voulait être par là le Réparateur.
Sacré fiston, tu voulais réussir et vaincre cette adversité à laquelle la famille était confrontée depuis les années trente. Là où Sérenus ‘L’Aquarelliste’ ton tri-aïeul avait été confronté. Mais tu avais oublié que l’enfer était pavé de bonnes intentions. L’idée était généreuse, mais il manquait l’essentiel dans la relation avec Ingrid. Car contrairement aux idées reçues l’enfant ne contribue pas à renforcer les couples. C’est l’inverse.
Mais , l’adversité que tu traverses aujourd’hui tu le fais avec dignité et c’est là l’essentiel. Tous ces éléments que j’ai pu mentionner dans cette saga permettront, peut être, à Ilan s’il le souhaite d’être un jour le Réparateur…….

lundi 15 juin 2009

Epilogue : A la Rencontre du Destin


En cette fin septembre 2004, notre installation au Belvédère était enfin achevée. L’automne allait nous permettre de bénéficier d’un temps moins torride. Cette ambiance n’était pas sans me rappeler l’époque d’Aix en Provence où je me préparais à rentrer à la Faculté. Par ailleurs je venais de renouer avec mon Parrain, de fait cette période de pré retraite s’annonçait dans une perspective agréable. C’est dans ce contexte serein que je dus, néanmoins, consulter un généraliste pour remédier à des troubles physiologiques qui devenaient persistants.
Un diagnostic Inattendu :
N’ayant pas de médecin de famille, je me rendais à La Rouvière où j’avais repéré un cabinet médical au sein de la petite zone commerciale. Je prenais au hasard le médecin qui pouvait m’examiner le plus rapidement. C’est ainsi que l’on découvrit que j’étais atteint d’un diabète de type II. Cette forme dite diabète non insulino dépendant dénommé DNID touchait essentiellement les personnes ayant atteint la cinquantaine et dont l’origine prenait ses sources dans la sédentarité engendrant un dysfonctionnement du métabolisme. En outre on découvrit une hypertension nécessitant une surveillance régulière. De fait, j’étais astreint à un régime contraignant dans lequel je devais éviter le plus possible les aliments à base de glucides ainsi que les matières grasses génératrices de cholestérol. De surcroit, je devais impérativement accomplir une marche quotidienne d’une demi-heure au minimum. Bien que la maladie soit contraignante, cela ne remettait nullement en cause le processus vital. J’étais cependant condamné à fréquenter périodiquement les laboratoires pour y effectuer des analyses trimestrielles ainsi que des contrôles annuels de la vue et de l’évolution cardiaque. La seule chose vraiment gênante était la neuropathie dont j’étais atteint au pied gauche m’obligeant à apporter une vigilance accrue aux soins plantaires pour prévenir les amputations qui guettent les diabétiques.
L’année suivante, il fut convenu de me faire suivre par un endocrinologue. Je choisissais au hasard sur le Bottin une certaine Hélène Bellon dont le cabinet de consultation se trouve au Prado et qui exerce également à la Timone. Après avoir étudié les résultats de mes différents bilans sanguins elle diagnostiqua un DNID atypique, et me fit obtenir de la CPCAM des Bouches du Rhône une prise en charge à cent pour cent au titre d'une affection de longue durée:L'ALD. Sur le fond, elle confirmait le diagnostic initial et ne changea en rien le traitement qui m'avait été prescrit.
Ce n’est qu’à partir du début de l’année 2008 que le diabète eut tendance à se déséquilibrer m’amenant à éliminer la quasi totalité des graisses et des sucres. L'examen de juin révèla une nouvelle perte de poids s'ajoutant à celle du printemps. J’avais,ainsi, perdu en quelques mois plus de huit kilos. Face à la situation madame Bellon voulu doubler les doses de mon traitement, mais sachant que je prenais encore trop de chocolat, je lui proposais de le supprimer totalement et d’attendre Septembre pour éventuellement rectifier la posologie. L’échéance arrivée le taux de glucide était retombé à la norme que j’avais lorsque le DNID était stabilisé ne dépassant pas ainsi 1.2. Mais si ce résultat permettait de ne pas modifier les doses de Novonorm et du Glucophage, j’enregistrais une nouvelle perte de poids à laquelle, elle ne sembla pas attacher une influence particulière. Face à ce retour aux normes auxquelles elle attachait une importance primordiale, elle décida d'aller au delà en diminuant de moitié les doses du novonorm. Cela me paraissait osé, mais je lui faisais confiance.
Dans le courant de l’automne, je fus subitement pris d’une vive douleur au niveau de sternum qui m’obligeât à m’allonger tout un après midi en absorbant massivement de l’Efferalgan dosé à 1000mg. Dès le lendemain je consultais en urgence mon médecin traitant lequel me prescrivit un antispasmodique ainsi qu’un désinfectant gastrique. Après quelques jours de traitement les douleurs s’atténuèrent . En décembre qui constituait la dernière consultation de l'année, elle constata que le taux de glycémie était remonté avec un taux anormalement élevé atteignant 1.8. Ce constat l’obligeant de revenir aux dosages antérieurs. Elle constatait de surcroît une nouvelle perte de poids qui dépassait alors 15 kilos en un an. Concernant les douleurs épigastriques, elle se borna à estimer qu’il s’agissait de simples remontées gastriques sans importances:'Voyez cela avec votre médecin traitant' me dit elle avec desinvolture.
Une cruelle Destinée :
Les fêtes de Noël s’écoulèrent à peu près normalement, les douleurs épigastriques avaient disparues me laissant un moment de répit. Mais ce fut qu’un court instant d’illusion. Dès la mi janvier 2009 les douleurs reprirent avec une violente intensité. En urgence, je pris rendez chez mon médecin traitant qui me fit consulter immédiatement un gastro entérologue. L’échographie abdominale révéla au niveau du pancréas :’ Une lésion arrondie hypo-échogène de l’isthme avec dilatation du canal de wirsung’. Ce constat laissait planer des doutes sérieux sur l’existence d’un cancer pancréatique qu’il fallait lever. Une biopsie fut effectuée le jeudi 5 Février confirmant l’existence d’une lésion de type adénocarcinome de l’isthme pancréatique. Sur intervention de mon frère qui connaissait bien Yvon BERLAND Président de l’Université de Marseille II, ce dernier lui conseilla que je sois examiné par le Professeur Berdat spécialisé en chirurgie digestive et des pathologies cancérigènes. Je fus reçu à l’hôpital nord dans les tous premiers jours de mars. Au regard du scanner qui avait été effectué à la clinique Bouchard, la tumeur lui semblait être résécable. Ce diagnostic me paraissait ahurissant, d’autant que le Docteur Bellon m’examinait régulièrement quatre fois par an depuis mai 2005. Il y avait à mon sens une faute professionnelle de sa part. En effet lorsqu’on se rend sur le site Internet de la Timone où elle exerce également, on constate avec stupéfaction que ses confrères soulignent notamment :
Les cancers de la partie gauche du pancréas (corps et queue) se manifestent plus tardivement par des douleurs liées à l’envahissement du plexus solaire. Elles peuvent être extrêmement intenses et les antalgiques courants rapidement inefficaces. L’altération de l’état général est souvent majeure. Il arrive que l’on palpe une masse épigastrique sensible ;
L’apparition ou l’aggravation d’un diabète, initialement non insulinodépendant, doit faire rechercher systématiquement ce cancer chez un homme de plus de 40 ans sans antécédent familial de diabète’
.
Ce n’était donc pas une banale remontée gastrique, comme elle avait pu l’affirmer avec tant de désinvolture en décembre 2008. Certes, elle n’était responsable de ce cancer gravissime mais elle avait failli à son obligation de moyen en n’envisageant pas cette éventualité que recommande pourtant l’équipe de la Timone à laquelle elle appartient. Dans les jours qui suivirent mon examen par le Professeur Berdat, je fus avisé par l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital Nord qu'elle avait constaté un envahissement de la veine mésentérique excluant toute intervention chirurgicale. Le scanner du 16 Mars confirma cette appréciation. Dès le 20 Mars à raison d’une séance de chimiothérapie par semaine j’optais pour le protocole expérimental dénommé ‘Gercor LAP 07’. Celui-ci était réservé aux cancéreux en phase finale. L’objectif était, alors, de tester en première intervention le traitement dans la pensée que l’espérance de vie pouvait être sensiblement améliorée. Sachant que cette dernière est de cinquante pour cent à un an et seulement de trente à deux ans.
Dès lors je décidais de déposer une plainte auprès du Conseil de l’Ordre des médecins à l’encontre du Docteur Hélène Bellon. A l’issue de la rencontre qui se tenait le 9 Avril dernier un procès verbal de non conciliation fut dressé. Depuis lors, le Conseil de l’Ordre qui devait revoir le problème au niveau régional n’a pas daigné encore réagir. Mais, il est vrai que les loups ne se mangent pas entre eux. Parallèlement je consultais un avocat pour une procédure au pénal. Cette procédure était à exclure, il fallait au préalable procéder à une expertise médicale. De fait mon affaiblissement général ne me permettait pas d’envisager une telle hypothèse. Mais en tout état de cause , la négligence du Docteur Bellon constituait une perte de chance. En raison de la célérité des sentences judiciaires , il lui suffisait tactiquement de ‘jouer la montre’. C’était une stratégie qui permettait que la justice rende son verdict après l’échéance à laquelle je suis irrémédiablement condamné. Dans ces conditions hautement vraisemblables, cela ne présentait, à mon sens, aucun intérêt.
Une Etrange Férocité:
Alors que depuis plusieurs mois j’avais abonné ma fille cadette, Myriam, à mon blog pour qu’elle puisse recevoir en automatique les parutions successives de ma saga, je reçu de sa part la veille du scanner, le Mail suivant :
‘ Papa,
Je vais être assez brève. Je ne désire plus recevoir tes mails sur ton passé. Je pense que malgré de très gros efforts je n’arrive pas à te pardonner ton absence ni ta " présence actuelle".
J’espère qu’en vieillissant je changerai ? d’avis……..
Par ailleurs je ne désire absolument pas m’expliquer par téléphone ni par messagerie.
Je te demande de bien vouloir arrêter de m’écrire.
Je suis désolée si je te blesse mais je n’aime pas les choses fausses.
Myriam.’
En recevant ce mail, je reçu un coup de poignard en plein cœur. Je pouvais comprendre qu’elle m’en veuille d’avoir divorcé, quoiqu’elle semblait avoir subitement oublié la triste année 1985 où le juge des enfants retira le droit de garde à sa mère qu’elle accusait de la martyriser. Myriam qui s’accordait le titre de ‘Myriam la Sage’ dans son windows live space, s’était subitement transformée en une abomination en déclarant qu’elle ne pouvait pardonner ‘…..ta « présence actuelle »’. Par là elle me reprochait le fait même d’exister. Ses propos étaient proches du parricide affectif.
Dès que mon état de santé fut confirmé, Marc ne manquât pas de la contacter pour la persuader de prendre de mes nouvelles. Il en fut de même pour Karine ainsi que ma mère. Aucune des trois se manifestèrent. Je ne pensais pas qu’une telle adversité puisse exister. Que faire face à une telle cruauté mentale ? Cela devait être mon destin contre lequel je ne pouvais lutter ou échapper.
Une Providence Rédemptrice :

Dans les ‘Dynasties de Louis Le Magnifique’ j’avais abordé au cours de trois longs chapitres, la période relative à la Dynastie de l’Obscur. De Nulla interposita sentatia à l’article 14, aux deux tours décrivant le télescopage dynastique, pour s’achever par le crépuscule marquant le terme de cette deuxième dynastie décrit à l’article 16 ; qui pouvez imaginer un seul instant que je recevrai régulièrement au soir de ma vie de fréquents courriers de la maman de Marc et Anne. Plus d’un demi siècle s’est écoulé depuis la triste époque d’Avançon où j’allais chercher mon frère et ma sœur lors du droit de visite qu’exercait ‘Louis le Magnifique’. Aujourd’hui âgée de plus de quatre vingt treize ans nous sommes réunis par ces courriers que nous échangeons régulièrement. Ainsi l’expérience de la vie m’aura démontrée que ceux qui vinrent à ma rencontre ne furent pas ceux que j’attendais lors de mon retour en terre provençale. Le temps recèle en lui de fabuleux retournements qu’il convient d’accepter avec modestie. Comment ne pas être ému lorsque je reçois ces quelques lignes :
« Merci mon cher grand frère de Marc et Anne (comment dire ? ‘Mon demi fils : cher Didier ?) Très heureux de recevoir tes lettres nous dirons ‘familiales’.Nous parlons souvent au téléphone de toi. Marc me tiens au courant de ta vie et surtout de ta santé : son grand soucis de Marseille……tu es un gros souci et une grande affection pour nous……..ce que pense l’oncologue, du résultat de ton scanner et puis on réfléchira et on prendra les résultats comme ils sont. Et puis la vie vaille que vaille. Pensons à aujourd’hui….. »
Carpe Diem comme il est coutume de dire. N’est ce pas là, la plus belle lettre qu’une véritable Maman puisse adresser à son fils ? Ce don du ciel qui vous apporte le réconfort et surtout une grande leçon de sagesse au-delà des vicissitudes que nous dûmes tous traverser.

Dadou, Cécile, Dany, et les Autres:

Durant mon exil à Pen Ar Bed, j’avais espéré que mon retour en terre provençale marquerait le temps des retrouvailles avec tous ceux que j’avais dû quitter lors de mon départ en région parisienne. Déjà mes filles, à mon grand étonnement, avaient marqués leur volonté de m’ignorer. Qu’allait-il en advenir de Jean Louis qui demeure toujours à Lettret et que j’avais connu dès la sixième en octobre 1956 au lycée Dominique Vilars à Gap ? Ou encore de Jean René originaire de Nanterre avec qui je jouais de longues heures, à la période des vacances scolaires, dans les rues de Tallard ? D’autres avaient disparus comme Bernard Dupouy dit ‘Clebs’ ou encore Bernard Lamouille le Lyonnais qui fut le mari D’Annie dont la mère tenait un magasin d’alimentation sur la place du commandant Dumont, remplacé aujourd’hui par un restaurant.
Le temps s’était écoulé, pour eux une page était tournée. En quittant la région en 1965 j’avais en quelque sorte figé le temps, et je pensais à tord que l’on pourrait se retrouver le temps de la retraite venue. Ce fut une rude déception de constater qu’au fil des années cette amitié s’était effacée.
Dès Juillet 2004 qui marqua mon retour dans la ville phocéenne, je réalisais que je ne connaissais plus personne, et que les amis d’autrefois m’avaient rangé au grenier des souvenirs. Hormis mon Parrain, nous nous trouvions être, avec Anne, des étrangers dans cette région de mon enfance.
A l’aide de Google je me mis à traquer sans relâche pour tenter de renouer avec des amitiés anciennes. Ainsi le hasard me permis en mars 2008 de retrouver un vieil ami du temps de la rue Copernic à Paris que j’ai décris à l’article 35 ‘Le Macrocosme : 'L’Aventure Copernicienne’. Gilbert alias ‘Brutus’ : le deuxième centurion après celui ‘Del Djem’ mon fils. C’est également par une information qu’il me communiqua que je pus par une requête pertinente, contacter Freddy le troisième centurion qui habitait au Castelet situé à vingt minutes de Marseille. Quelle coïncidence de le retrouvez à ma porte alors que je le pensais être en Savoie où il avait acheté un chalet au début des années quatre vingt. Je revis quelques fois Freddy qui est confronté aux pires difficultés pour maintenir son activité de conseil. Parfois je reçois un mail de sa part, mais les relations restent distantes. Brutus quant à lui me téléphone régulièrement pour prendre de mes nouvelles depuis qu’il me sait atteint par cette terrible maladie.
Lors de mes surfs sur le WEB, je découvris par hasard le Site de Tallard. Le webmaster qui était à la recherche de rédacteurs pour animer son journal, accepta que je publie des articles. Signant sous le pseudo de ‘Copernic’ plusieurs Tallardiens m’identifièrent. La première à le faire fut Dany Ricard qui me connaissait au travers des allés-retours Gap-Tallard avec le car Boisseranc. Etant ma cadette de quelques années, je dois dire que j’avais du mal à la positionner dans le temps. Mais il n’y avait aucun doute. C’est ainsi qu’elle m’apprit que c’était sa mère qui avait loué à ‘Louis le Magnifique’ le petit appartement de la Saulce en 1956. Ainsi 52 ans plus tard, Dany faisait un scoop !
Puis ce fut le tour D’Antoine qui fut ‘Pancul’ comme moi au Lycée Dominique Vilars à Gap. Ceci m’amena à créer un blog ‘DOVIGAP65’ sur cette époque lycéenne allant de 1956 à 1965. Ainsi dans ce fameux blog y sont abonnés ‘Antoimich’ et d’autres copains de cette époque. Merci Google qui est ce Gandalf des temps modernes. Le Blog comprend trois rédacteurs, mais depuis quelques mois il est en panne. La maladie me fatigue trop pour rédiger la saga et de surcroit assurer l'animation du blog .
Je reçu également un mail de ‘Dadou’ avec qui nous allions flâner dans les rues de Tallard :’ Allons chercher de l’herbette’ que je relate à l’article 14 de ma biographie. Paragraphe que je repris dans un article publié sur la site Tallardien. De la même manière le site me permis de renouer avec Cécile la sœur de Maguy et dont son frère Riquet avait été un copain de 'Muad’dib' mon frère Marc rédacteur du Blog : 'marc-hanami'. Il y eu enfin Po-Paul ce camarade qui est revenu habiter au 16 Rue Souveraine et avec qui je jouais de longues heures aux boules dans le caniveau empierrés de la rue qui a disparu depuis longtemps sous le goudron. Cécile qui se souvenait du camping à Cavalière, c’était en 1957. C’est elle aussi qui me rappela qu’une certaine Béatrice était venue rendre visite à la mère de Marc. Ceci nous valu d’être tous les deux consignés à la tente sans pouvoir nous rendre à la plage. Ainsi des visages qui avaient disparus de mes pensées revinrent faire surface avec une surprenante netteté. Depuis lors nous correspondons régulièrement par messagerie et nous pouvons échanger des photos numériques, une sorte de frénésie pour rattraper ce temps perdu qui recelait d’authentiques amitiés. C’est aussi là une grande leçon de modestie.
Ainsi ma devise figurant sur mon Windows Live Messenger :‘ Le virtuel abolit l'espace, il peut parfois combler l’absence’ prend du sens.

dimanche 14 juin 2009

Epilogue : Un Legs Inattendu


En février 1945 mon baptême fut célébré en la paroisse Saint Vincent de Paul dans l’église des Réformés qui trône fièrement à l’extrémité des allées de Meilhan, en haut de La Canebière. ‘Louis Le Magnifique’ avait pour cette occasion sollicité son camarade de faculté Emile Yves Bourdoncle qui avait été déjà son témoin de mariage célébré quelques mois plutôt. Alors que mon père optait pour la médecine praticienne, mon Parrain avait porté ses préférences pour la chirurgie. Ainsi dès les années cinquante il fut l’inventeur de la chirurgie cardio-vasculaire. C’est seulement au début des années sixties, alors que j’étais revenu passer quelques jours à Marseille au 13 rue Adolphe Thiers avec mon frère Marc, que j’eu l’occasion de mieux le connaitre. Je le revois dans la véranda cherchant à m’expliquer les équations paramétriques du second degré nécessitant le calcul d’un discriminant pour obtenir les racines de l’équation. Cela correspondait au programme de mathématiques de la classe de seconde. Ce jour là Marc était allé à la clinique Bouchard pour ses séances de rééducation de son bras droit qui avait subi de multiples fractures. Bien que ses explications fussent brillantes je n’avais pas très bien perçu toutes les explications qu’il avait voulu me donner. Mais je restais admiratif qu’il ait pu ainsi me donner un cours de math aussi précis alors que cela faisait bien longtemps qu’il avait quitté le lycée.
Parfois lorsque nous venions à Marseille, ‘Louis Le Magnifique’ m’emmenait chez mon Parrain pour le saluer à son domicile du 99 cours Lieutaud. Son importante activité à la clinique Monticelli ne lui laissait guère de temps libre, ce qui expliquait pour une grande part nos rares rencontres d’autant que je vivais depuis 1956 à Tallard.
Ce n’est qu’en 1970, que l’on fut amené à mieux se connaître lors de l’hospitalisation de mon père que je décris à l’article 22 annonçant l’époque du ‘Bas empire’. Ainsi durant les deux mois de Juin-Juillet, nos routes se croisèrent dans les couloirs de L’Emeraude. C’est ainsi qu’il fut amené à venir chercher ‘Louis Le Magnifique’ qui avait fait ‘le mur’ de la clinique pour se réfugier à mon domicile du dixième arrondissement de la métropole phocéenne. Par la suite mon départ pour la longue odyssée mit un terme à cette relation qui avait été si brève, mais me laissant un si bon souvenir de ce brillant chirurgien qui avait consacré une grande partie de sa vie à ses patients.
Ce n’était pas le Parrain de Francis Ford Coppola qui décrit remarquablement la société mafieuse interprété par Marlon Brando. C’était le Parrain au sens noble du terme : celui qui tient l’enfant le jour de son baptême et auquel l’église lui confère le rôle de substitut au cas où le père viendrait à disparaître.
En choisissant Emile Yves Bourdoncle ‘Louis Le Magnifique’, qui m’avait dépouillé de l’argent de ma mère ainsi que des biens familiaux en provenance de ‘L’Entreprenant’, ne savait pas que par ce choix la providence allait me faire un legs inattendu. C’est mon retour en PACA, dès l’été 2004, qui me le fit découvrir.
Conversations d’Autrefois :
C’est en Août 2004, me trouvant dans les sous-sols du Belvédère que je trouvais un bottin de la cité phocéenne qui avait été abandonné et où figuraient encore les coordonnées de mon Parrain. Le vertige du temps me fit subitement vaciller, je ne l’avais plus revu depuis L’Emeraude, en juillet 1970. En revenant à Marseille, je pensais qu’il avait dût quitter la ville pour aller à Thorenc dans les Alpes maritimes y prendre sa retraite. Le camarade de ‘Louis Le Magnifique’ était donc encore là montant la garde et constituant l’unique personne que je connaissais dans l’antique cité que j’avais quittée depuis si longtemps. Depuis mon retour, je me rendais compte que j’étais devenu un étranger de cette ville chère à Pagnol et qui avait hantée, tant de fois, mes rêves. Tous les miens avaient rejoint ’Autrente’ à Saumur ou les allées de Saint Pierre, hormis ma mère qui s’était retranchée dans la perfide Albion. Il fallait que je reprenne contact avec ce Parrain qui incarnait toute cette époque glorieuse des ‘Glamorous Fifties’. C’est ainsi que l’on se retrouva trente quatre ans plus tard à son appartement du 99 Cours Lieutaud chaque vendredi après midi. Rien n’avait changé, le souvenir que je me faisais de ces lieux rarement visités étaient restés identiques, comme si le temps s’était figé.
Mon Parrain était dans sa quatre vingt cinquième année, il veillait sur sa femme Françoise qui était atteinte de la terrible maladie d’Alzheimer la plongeant dans une sorte d’autisme où toute communication devenait impossible. On évoqua cette époque de la médecine praticienne que ‘Louis Le Magnifique’ avait cherché à m’inculquer. Le bon sens dont il aimait tant parler et qui semble être oubliée au nom de la ‘statistique’ disait il avec un humour qui lui est si particulier.
Nos rendez vous du vendredi après midi devinrent une période privilégiée où le Parrain et le filleul apprirent à se connaître pour déboucher sur une sorte d’adoption comme le pratiquèrent les romains à l’époque de l’Empire.
Sur Les Chemins D'Ephèse:
Ces quelques années passées à ses côtés de Septembre 2004 à Février 2009 constituèrent une période d’intenses échanges chargée d’une profonde affection. C’était une relation relevant d’une adoption librement consentie de part et d’autre constituant par là un legs inestimable. Je conserve de par vers moi cette carte qu’il m’adressa un jour de 2005 : ‘Mon fils’. J’acceptais implicitement cette consécration qui fut un moment de reconnaissance que j’avais tant attendue de la part de mes parents naturels. Cela me rappelait étrangement cette œuvre magistrale de Marguerite Yourcenar : ‘Les Mémoires d’Hadrien’. Dans nos longues conversations, il lui arrivait de se taxer ‘d’Escobar’. Pour les néophytes ce n’est pas le sinistre trafiquant de cocaïne colombien qui fut abattu le deux décembre 1993. Il s’agit du célèbre jésuite casuiste né en 1589 à Valladolid, auteur d’une théologie morale dans laquelle il dédie une allégorie à l’Apocalypse. Dans le sens courant ‘Escobar’ désigne celui qui sait résoudre les cas de conscience les plus subtils. Effectivement ses professeurs d’université ne s’étaient pas trompés en le dénommant ainsi.
Le 10 Décembre 2007 sa femme fut rappelée à Dieu et repose depuis au cimetière de Thorenc là où son père y avait construit la maison familiale dont il fut l’héritier. Cet évènement allait marquer un tournant majeur. Après soixante ans de mariage, mon Parrain se trouvait à affronter la solitude au 99 Cours Lieutaud. Les résultats de cette situation eurent un important retentissement sur son état de santé. Subitement ayant relâché sa vigilance, des ennuis pulmonaires se manifestèrent l’amenant à ne plus pouvoir gravir les trois étages de l’immeuble. Il dût être hospitalisé à la Clinique de la Résidence du Parc au sein de laquelle il avait exercé la chirurgie cardio-vasculaire une vingtaine d’années de 1968 à 1989. Une époque venait de s’achever, Frédérique sa fille cadette le fit venir en Avignon où il réside depuis mars 2009 marquant un terme aux rendez vous du vendredi après midi. Seul restait en ma mémoire le silence de la voie Acadia là bas à Ephèse où séjourna Hadrien de la dynastie des Antonins fils adoptif de Trajan et dont mon Parrain avait hérité des qualités profondément humanistes. Ce père adoptif, camarade de ‘Louis le Magnifique’ qui accompagne mon dernier chemin…..

jeudi 11 juin 2009

Epilogue : Flâneries en Terre Papale

En cette matinée du 28 Janvier 2004 nous entrions en Morières les Avignon après avoir parcouru plus de 1400 kilomètres. Morières distante seulement de 100 kilomètres de la cité Phocéenne avait était retenue pour nous permettre d’attendre la remise des clefs de notre appartement que nous avions acquis au Belvédère l’année précédente. Mais le choix déterminant de cette incontournable étape, avait été guidé par la possibilité de revoir plus facilement mes filles dont j’étais séparé depuis 1972. Souvenez vous des conditions dramatiques, décrites au paragraphe ‘Apocalypse Now’ de l’article 33, dans lesquelles je me séparais de leur mère alors que nous habitions le Val D’Argenteuil.
Ce choix s’avéra inutile, Karine me tourna délibérément le dos alors que ‘Rochecotte’, deux ans auparavant lors du remariage de mon frère, avait permis de sceller les retrouvailles. Myriam adopta la même attitude, malgré nos invitations renouvelées à plusieurs reprises. Elle consentie toutefois d’accepter une fois de se rendre dans notre petit studio que nous avions pût louer dans des circonstances particulières. En effet c’est un ingénieur d’EDF qui se trouvait affecté au démantèlement de la centrale de Brennelis dans les Monts D’Arrée qui nous loua le studio. Un premier rendez vous avez été fixé à Morlaix et c’est à l’aéroport de Guipavas que je signais, la veille de Noël, notre contrat de bail.
Dans cette distanciation, je cru déceler la crainte qu'elles decouvrent un autre aspect des évènements que Mireille avait pût leur rapporter. Il fallait donc à tous prix que la distance soit maintenue. Dès lors ce choix de Morières devenait une contrainte pour assurer un meilleur suivi de l’état d’avancement de la résidence du Belvédère qui avait pris un trimestre de retard. Cette attitude incompréhensible m’affecta profondément, mais la providence voulue que dans cette nouvelle épreuve un évènement majeur vienne apporter une grande joie qui était inattendue et inespérée. L'outrage fut, de fait, relativisé.

Ilan :
C’est mon deuxième petit fils que la providence a bien voulu m’apporter le 7 Mars 2004. Son père ‘Le Centurion Del Djem’ m’adressait dans les jours qui suivirent une carte me relatant cet évènement qui fut l’un des plus extraordinaires de ma vie :

De la poussière d’étoiles vient à nouveau de naître un petit bonhomme…….A l’aube du printemps nous accueillons :
ILAN , qui signifie ARBRE !
Né sous les hospices des POISSONS lors de l’année du SINGE, nous lui souhaitons autant de sagesse, de malice, et de force !
Et la bienvenue sur cette [encore]belle planète……..
Il fait désormais parti de ceux à qui appartient ce monde………………………………’

Ainsi Ilan comme son grand père est né le septième jour du mois et tous deux ont cette malice du Singe que leur reconnait l’Astrologie chinoise. Comme ‘Louis Le Magnifique alias Abdelaziz ‘ il relève des poissons dans notre zodiaque occidental. Ce sont ces similitudes étranges qui me permettent alors de dire : ‘Ilan tu seras le Réparateur…..

Ballades en Camargue:

Nous avions plus de cinq mois à vivre à Morières les Avignon, commune dortoir située aux portes de la cité Papale. De fait, je mis ce temps à profit pour faire découvrir à Anne ce pays de cocagne qu’elle ne connaissait pratiquement pas ; hormis Les Saintes Marie de La Mer et quelques boutiques d’Aix en Provence.
Nîmes fut l’une de ces ballades, là où un certain Muad’dib y avait poursuivi le deuxième cycle de ses études secondaires au Lycée Alphonse Daudet durant les années 1963 à 1966. Illustre lycée où le célèbre romancier y rédigea parait-il ‘Les Lettres de Mont Moulin’ ou à tout le moins y usa ses fonds de culotte. Lycée qui fut dirigé durant de nombreuses années par Monsieur Guilles, ce monsieur qui était venu me chercher en Juin 1956 lors de mon concours d’entrée en sixième alors qu’il était à l’époque le Proviseur du Lycée Dominique Vilars de Gap. ’Louis le Magnifique’ l’avait connu au début de sa carrière en tant que médecin des lycées. Cela était étrange de revenir en ces lieux où j’étais venu trainer mes guêtres quarante cinq ans plutôt. ‘Nîmeus’ comme le prononçait mon père en riant. Il faisait par là référence au ‘Limès’ cette frontière du temps de Mare Nostrum : celle de ‘L’Empire’.
Il y eut aussi ce passage obligé au Grau du Roi, là où nous venions parfois quelques jours en septembre, vers la fin des années fifties, avec Nathela et Catherine pour que ‘Louis Le Magnifique s’adonne à son plaisir favori : la pêche à la dorade au bout du Môle prolongeant le fameux canal. J’expliquais à Anne que nous restions durant de nombreuses heures dans une nuée de moustiques nous dévorant la peau sans que jamais dame dorade vint ‘piter’ à l’hameçon. Quelle patience fallait-il avoir pour résister à l’invasion. Mais depuis près de trente ans les marécages ont été asséchés pour y construire des stations balnéaires comme La Grande Motte à l’urbanisme impersonnel.
Près de cinquante ans s’étaient écoulés depuis ma dernière venue, Aigues Morte que nous longions autrefois au pied de ses remparts, là où Saint louis s’embarqua au XIIIème siècle pour les croisades, était devenue une cité animée. Une sorte d’usine à touristes, le cachet d’antan s’était évaporé dans l’industrie hôtelière réservée aux hordes européennes s’abreuvant de vulgaire. Pourtant c’était des moments de bonheur à retrouver ces paysages que j’avais cru à jamais perdus lors de mon exil en terre bretonne, là bas à Pen Ar Bed.

Les Musts de la Provence:


De Morières, nous n’étions qu’à une petite vingtaine de kilomètres d’Isle sur Sorgue. On prit ainsi l’habitude de nous y rendre régulièrement le dimanche matin qui était jour de marché. Anne qui était amateur de beaux objets fut rassasiée par les quelques trois cents brocanteurs se répartissant au sein des six villages d’antiquaires de la petite cité du Comtat Venaissin. Nous passions aussi de longues heures à regarder les étales des marchands le long des deux bras de la sorgue qui enlacent les quartiers de la ville. De nombreux canaux avaient été creusés dans les siècles passés sur lesquels subsistaient encore des roues à aubes permettant de faire fonctionner des fabriques à soie lesquelles subsistèrent jusqu’à la fin du dix neuvième siècle. Cet ensemble de canaux reliant les deux bras de la Sorgue justifiait pleinement de qualifier la ville de ‘Venise Provençale’.
Notre halte en terre papale s’acheva par une visite aux Baux de Provence où j’étais venu avec ‘Tati’ et ‘Louis le Magnifique’ alors que j’avais à peine quatre ans. J’avais ce vague souvenir d’une formidable forteresse qui dominait la petite cité médiévale. Laquelle est perchée sur un éperon rocheux se dressant à deux cents mètres d’altitude sur la campagne environnante. Rien n’avait vraiment changé depuis plus de cinquante cinq ans. Les images marquées au fin fond de mes souvenirs étaient restés intactes. Ce jour là nous étions accompagnés par ses filles qui étaient venues de Paris où toutes deux poursuivaient encore leurs études universitaires. Julie sa cadette, et Pauline la petite dernière découvirent la beauté de ces paysages dans un décor grandiose qui dût leur laisser un inoubliable souvenir de la Provence, le pays de Daudet et de Frédéric Mistral le fondateur du Félibrige.

mardi 9 juin 2009

Epilogue : Le Mythe de Sisyphe

Sisyphe est dans la mythologie grecque le fondateur mythique de la ville de Corinthe. Pour avoir offensé les dieux de l’Olympe Zeus le condamna à rouler éternellement un rocher au haut d’une colline dont il redescendait avant d’en avoir atteint le sommet. Sisyphe incarne donc l’absurdité de la répétition si chère aux psychiatres. De même les Danaïdes furent condamnées à remplir un seau d’eau sans fond comme me le disait Maman. Les Danaïdes, vous savez cette fontaine au ‘Chapitre’ située en haut de la Canebière la célèbre avenue Phocéenne. Cette fontaine de mon enfance où je passais devant avec Maman en revenant des Catalans ou de la Capelette : ‘The Glamorous Fifties’ décrites dans la Dynastie de L’Ephémère. Etrange coïncidence ! L’équation triste se trouve dans un confetti aux paramètres obscurs et apparemment insolvables.
Cette obsédante répétition éternelle compagne depuis ma venue au monde un soir de Décembre 1944. Cette ‘Répétition ‘qui vous nargue sans cesse ! Ce processus absurde dont je fus l’esclave qui m’amena moi-même à répéter. Pourtant cette répétition n’est pas dérivée de mon histoire personnelle, mais bien plus des processus antérieurs qui eurent des répercussions néfastes sur mes propres choix.

La Malédiction des Fouque :

Celle-ci vient frapper ma branche maternelle dès le 18 Septembre 1929 par le décès de Marie Louise Fouque épouse Cassely. C’était la jeune tante de Maman qui avait à peine une trentaine d’années, lorsque la mort vint frapper à sa porte. Marie Louise ma grand’ Tante que je n’ai jamais connue, et dont j’ignorai jusqu’à son existence fut découverte au travers d’un CD élaboré par son fils quelques quarante ans plus tard. Fabuleuse grande tante si jolie, dont Maman conserve une bien étrange ressemblance.
Le destin frappe à nouveau à la porte de ‘L’Aquarelliste’ où la mort lui enlève le 26 Janvier 1930 sa mère âgée de 81 ans. Et quatre jours plus tard c’est le tour de sa femme Marie Alexandrine Roche qui est rappelée à Dieu à l’âge de trente cinq ans laissant Maman orpheline dès sa cinquième année. Elle sera alors élevée par Amélie sa tante paternelle qu'elle désigne sous le vocable ‘Celle qui n’a pas peur d’aller voir le grand Turc’. Laquelle fut secondée par Tantine : Jeanne Roche sa tante du côté maternel .Vous savez ma très chère Tantine que nous allions voir au début des années cinquante à la Capelette. De fait Maman est habituée dès sa tendre jeunesse d’être privée de sa mère. Mais alors pourquoi infliger à son fils ce dont elle a souffert ? L’énigme reste entière, et s’obscurcit quand on songe au prénom qu’elle voulu me donner et que j’ai abordé dans le paragraphe intitulé ‘Le paradoxe de Desiderium’ à l’article n°9.
Le syndrome du Donjuanisme :

‘Louis le Magnifique’ répond-il réellement au profil de Don Juan ? Pourtant c’est la perception qu’il donna à sa sœur que je dénommais ‘Tati’. Si on se réfère à l’interprétation psychiatrique, le ‘Donjuanisme’ relèverait d’une quête compulsive jamais complètement satisfaite. Dans ce contexte Don Juan répète inlassablement sa quête séductrice auprès de la gente féminine. Pour d’autres, le donjuanisme incarne la représentation du désir immédiat. Don Juan s’empare du présent et fait face à la réalité immédiate. Il séduit et il est séduit. Don juan ne trompe pas la femme dans la mesure qu’elle se laisse tromper elle-même. Dans le même ordre d’idée Don Juan se moque de la femme et méprise l’homme. Il est ce personnage qui lance un défi perpétuel à la société, à l’église à Dieu.
Les six Dynasties de Louis Le Magnifique peuvent faire penser, dans une approche superficielle, que ses différents mariages relèvent d’une quête compulsive jamais complètement satisfaite. Mais pourquoi donner alors une telle solennité à ses engagements si cela doit répondre qu’à une simple compulsion ? Derrière cette apparence se cache un drame plus profond :’Celle d’une quête en recherche d’idéal Féminin et d’absolu’. En ce sens ‘Louis Le Magnifique ‘ est tel que ‘Don Quichotte’ dans ses démarches chimériques. Il ne peut qu’être déçu dans son engagement qui exige la réciprocité. Mais le donjuanisme ne répond pas à cette recherche, Don Juan est attiré par l’immédiatibilité des rapports, il y a donc chez lui une certaine superficialité. ‘Louis Le Magnifique’ fut l’inverse. Je nous revois encore, lorsque nous nous retrouvions seuls le Dimanche après midi à dialoguer de longues heures alors que la maison du 12 rue Souveraine était désertée par Nathela. Le donjuanisme de ‘Louis Le Magnifique’ c’était donc comme le ‘Canada Dry’. Vous savez cette fameuse publicité sur cette boisson qui ressemblait étrangement à de l’alcool. D’où pouvait venir ce besoin d’absolu ? Je savais que ‘Tati’ avait été la petite préférée de ses parents ; Marc, en Février 2009, me confia que Papa était régulièrement battu par son père ‘L’Entreprenant’. Ces circonstances ont elles pût engendrer chez lui ce désir d’idéal et d’absolu ? Vraisemblablement plausible.
De mon côté je répétais à mon tour comme ‘Louis Le Magnifique’, mais là encore méfions nous des pseudos ressemblances. Certes je fus influencé par le processus dynastique. Mais la répétition est ici de nature radicalement différente. A l’origine il y a ce rejet primitif de 1946 par lequel ma mère m’abandonne et qui sera plus tard renforcé par l’acte d’émancipation commandité par mon père en Juillet 1965.Pour fuir ces rejets successifs et la solitude qui en découla, ces facteurs contribuèrent à vicier le processus de séduction. Dans la rencontre, ce qui m’attire chez l’autre c’est sa ‘Souffrance affective ‘ pour laquelle j’éprouve une profonde compassion d’une part ; mais surtout le fondement de la démarche trouve sa justification dans la fuite d’une effroyable et insoutenable solitude. La séduction n’est pas spontanée elle est une fuite pour survivre. De fait ces facteurs me firent répéter à mon tour. En apparence le processus est similaire, mais il est d’essence radicalement différente. Alors diriez vous : ‘Tous innocents ou tous coupables’ ?

dimanche 7 juin 2009

Pen Ar Bed : Regain





'Voici Anne dans le courant de l'été 2004 installée à la terrasse d'un restaurant de la place Estienne D'Orves à Marseille '




En ce début Juin 2001, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis mon retour à L’Hôtel Center. L’ennui s’était instauré et c’est sans grande conviction que j’essayais une nouvelle fois de faire appel au Pub Hebdo pour tenter de rencontrer quelqu’un avec qui je pourrai faire un certain chemin. La plupart des réponses qui me furent faîtes ne présentaient pas un grand intérêt. Une réponse attira cependant mon attention. Manifestement la personne était une néophyte dans ce type de démarche ; en effet elle avait envoyé au journal le texte de l’annonce à laquelle elle souhaitait répondre. C’est cette naïveté qui fit que je cherchais à établir le contact pour convenir d’une éventuelle rencontre.
Ainsi dans les premiers jours de juin, je devais me rendre devant Géant Casino pour faire connaissance. Le choix du lieu était surprenant, en effet il était excentré par rapport au centre ville. Fréquemment les rendez vous se fixaient dans un bar de la rue de Siam ou à proximité de la poste. Ce n’était guère plus original, mais j’en avais déduit que cela relevait d’un usage local pour ce type de rencontre.
La grande surface était un lieu très fréquenté et j’appréhendais un peu de ne pouvoir établir un contact sur cet immense parking, d’autant que je ne possédais guère d’éléments pour nous identifier discrètement. Je savais seulement que la personne avait une tresse. Malgré tout le contact fut facilement établi, et c’est ainsi qu’elle me proposa que l’on se rende au bar Marie Stuart dénommé aussi bar de L’Epée qui se trouve au 11 de la rue de Siam. On resta un long moment dans cette brasserie un peu vieillotte à échanger. A vrai dire Anne ne s’exprimait guère et me laissa souvent parler. Dans les jours qui suivirent, elle déposa à mon hôtel un petit mot me faisant part de son émotion. C’est ainsi qu’elle me proposa de se revoir à son domicile de la rue Jean Jaurès, cette grande artère que j’avais dus emprunter en Mai 1986 pour me rendre au centre d’affaires de Coat Ar Guéven pour être auditionné par celui qui allait devenir mon futur employeur dès le mois suivant.
Elle était agent immobilier dans une petite agence de la rue Jean Jaurès qui se trouvait non loin de la place de Strasbourg. A cette époque le marché n’était pas porteur et manifestement Anne un peu naïve se faisait prendre des marchés par une collègue de travail qu’elle me présenta lors d’un vernissage qui se déroulait au Faou situé à une vingtaine de kilomètres de Brest en direction de Quimper. Effectivement la personne me paraissait vulgaire et semblait mener Anne par le bout du nez.
Début Juillet arriva et je devais me rendre à Montfrin petite commune du Gard où Myriam résidait avec son ami Vincent et leur fils Vivien. Je dus laisser Anne seule pendant une dizaine de jours. Anne m’appelait assez souvent en soirée et j’avais les plus grandes peines à l’entendre. Nous étions au début de l’ère du portable et certaines zones restaient encore mal couvertes, ce qui était le cas pour cette charmante commune perdue dans la garrigue languedocienne.
Dès mon retour les choses se précipitèrent, c’est ainsi que je quittais l’hôtel Center pour vivre chez elle, alors que peu de temps auparavant j’avais acquis un appartement du côté de la place de Strasbourg. De fait, je n’ai jamais occupé cet appartement que je pus louer ultérieurement. La peur d’affronter la solitude l’avait une fois de plus emportée. Il en fut de même pour Anne qui appréhendait également de se retrouver seule dans ce grand appartement où elle avait pensé pouvoir y accueillir sa fille Pauline la petite dernière. Mais celle-ci avait préféré suivre son père à Paris qui lui avait fait miroiter l’avantage de passer son baccalauréat dans la capitale afin de mieux se préparer aux études supérieures qu'elle envisageait.

Du côté de Kusadasi:


Lors de l’attentat du 11 Septembre 2001 nous étions en Turquie ; ce jour là nous étions allés visiter Kusadasi qui se trouve à 85 kilomètres de l’antique Smyrne. La célèbre cité hellénistique d’Homère et d’Edouard Balladur ancien premier ministre d’opposition de François Mitterrand, plus connue sous le nom d’Izmir. Nous avions décidé en ce début d’automne de prendre un peu de vacances avant d’affronter les affres des longs hivers bretons :’Nacht und Nebel ‘ comme il me plaisait de le dire en plaisantant. Alors que nous nous trouvions à flâner dans les rues commerçantes de la ville, subitement les rues se vidèrent de la plupart des touristes qui s’y trouvaient. Que se passait-il donc ? Alors que nous marchandions chez un boutiquier une pipe en écume, ce dernier nous expliqua qu’un terrible attentat venait de se produire au World Trade Center de Manhattan. Selon les sources américaines, il s’agissait d’un attentat commandité par Oumassa Ben Laden le chef du groupe terroriste d’Al Qaida. Subitement nous sentions un risque diffus planer sur nous. Le magnifique bateau de croisière américain qui se trouvait à quai avait disparu, la ville à cette heure de l’après midi était devenue quasiment déserte. Il nous restait encore quelques jours avant de quitter ce pays aux racines gréco-romaines que les turcs essayaient difficilement d’occulter en mettant en avant des sites comme Pamukkale qui jouxte l’antique Hiérapolis fondée par Pergame. Cette cité thermale dédiée à Apollon et Pluton. Ces fabuleux Dieux de L’Olympe, fondement de notre civilisation. Ainsi je photographiais Anne devant l’Arc de Triomphe : ‘La Porte de Domitien’, alors que penser lorsque nos politiques affirment que la Turquie n’appartient pas à notre mouvance culturelle. Phocée n’était pas loin de là, vous savez ces célèbres navigateurs qui fondèrent Massalia la cité Phocéenne dont je suis l’un de ses fils après plus de vingt six siècles d’histoire.


Retour vers le Futur Antérieur:

Je n’avais jamais caché à Anne mon souhait de retourner dans le midi de la France lorsque l’heure de la retraite aurait sonnée. C’est dans cette perspective qu’en Mars 2003, elle me proposa de nous rendre à Marseille pour y visiter les programmes immobiliers. L’un d’entre eux retient notre attention. Il s’agissait d’un programme conçu par Kaufman et Broad qui se trouvait à l’emplacement d’un ancien karting situé au sommet de la colline saint Joseph. La future résidence du 'Belvédère' tournait le dos à l’immense 'Rouvière' édifiée dans les années 1962 pour y accueillir les ‘Pieds Noirs’ venant d’Algérie. C’est sur l’emplacement de notre futur immeuble que je prenais Anne en photo .De cet endroit de la colline, jouxtant la chapelle Saint Joseph, on apercevait la rade Phocéenne allant du phare Planier jusqu’aux confins de l’Estaque. La vue était magnifique, en contre bas s’étendait une vaste pinède transformée par la ville en Jardin public. Le cadre était agréable, mais sur l’instant je ne réalisais pas que l’endroit était fortement exposé aux vents, mais également éloigné du centre ville. Manifestement le lieu était très agréable pour un couple ayant des enfants et se trouvant encore en activité. Anne souhaitait que nous prenions une option sur le dernier appartement qui restait à la vente. Il se situait au troisième et avant dernier étage de l’immeuble qui était le plus éloigné dans le parc où allait se dresser la future résidence. Ainsi le sort en fut jeté Le Belvédère allait constituer notre lieu de vie dans le courant du deuxième semestre de l’année suivante, date présumée d’achèvement des travaux.


Shizen Kekkon:

En Shinto, ‘Shizen Kekkon’ signifie littéralement : Mariage devant Dieu. Bien que ce ne fusse pas le cas, c’était l’idée qui prévalait dans l’alliance conclue le 24 Janvier 2004 à l’hôtel de ville à Brest. Décidemment je restais profondément attaché aux vieilles traditions, comme l’avait été de son temps ‘Louis Le Magnifique’. Aujourd’hui encore, Je reste vivement opposé aux unions libres ou aux formes nouvelles adoptées par le législateur : ‘Le PACS’.
Le mariage devait rester la marque d’un engagement solennel devant les hommes et par un acte religieux si l’esprit œcuménique le permettait. Mais là encore je restais septique en référence de ce que j’avais pus constater lors de mon remariage avec la mère du ‘Centurion Del Djem’ quelque trente années plutôt. Je reste cet anti clérical convaincu mais profondément croyant et attaché aux valeurs traditionnelles :

Je n’appartiens pas au clan de ceux qui avec Gide affirment ‘Famille je vous hais’.Pour ma part je resterai jusqu’à l’aube du matin suprême celui qui pense avec une forte conviction que la famille est cette cellule primaire indispensable contribuant au développement harmonieux de l’enfant. Je fus trop privé de cela pour renoncer à cette évidence déniée par les existentialistes. Vous savez ces pseudos philosophes qui n’hésitèrent pas un instant à cracher dans la soupe.’

Quelques jours plus tard, Anne et moi franchissions le pont de l’Elorn pour rejoindre la lointaine PACA . La longue quête de Pen AR Bed venait, après dix huit années interminables, de s’achever. Sans le savoir j’avais alors rendez vous avec mon destin.

Pen Ar Bed: Un Projet Sociétal Majeur








Ma venue en Bretagne avait été justifiée par la nécessité de retrouver un emploi. Mais en acceptant l’offre qui était parue dans le journal de L’APEC, je ne savais pas encore que j’allais à travers mes nouvelles fonctions découvrir un projet sociétal majeur : ‘Celui du maintien à domicile’. J’ignorais tout de ce secteur qui constitue aujourd’hui un enjeu stratégique, de part sa spécificité d’emplois non délocalisables. A l’époque ce dernier aspect ne revêtait pas un caractère essentiel. L’accent était surtout porté sur le désir de l’individu à vieillir chez lui le plus longtemps possible. C’était d’ailleurs le leitmotiv qui était avancé par les responsables bénévoles du mouvement. Quoique pour les vétérans, ces derniers faisaient prévaloir que celui-ci était né après guerre pour aider en priorité les familles. De fait le maintien à domicile constituait pour ‘les anciens’ une dérive relevant plus des compétences des collectivités territoriales qui doivent répondre aux besoins de la société. Avec le recul du temps, je reconnais que l’argument était juste et pertinent. De fait le tissu associatif n’a pas pour objectif de se substituer à la puissance publique, mais de la compléter.
Mais l’interprétation qui était donnée à l’époque sur les évolutions à donner à la fédération faisait écho à l’action que mon père, en tant que médecin de campagne, avait menée auprès de ses patients durant une quarantaine d’années au pays de Tallard dans les hautes Alpes. En épousant ce projet, il y avait donc pour moi une sorte de réconciliation avec les valeurs qu’il avait voulu me transmettre dès mon adolescence. En lui ayant refusé de faire médecine, je le rejoignais quelque part sous l’angle de la gestion des problèmes de santé et notamment celui du vieillissement qui allait devenir croissant avec les progrès de la science médicale. De fait la controverse qui était menée entre les anciens et nouveaux bénévoles me paraissait subsidiaire au regard des enjeux que j’allais devoir relever en tant que directeur du mouvement. Toutefois j’étais surpris que les associations locales fassent si peu appel à des bénévoles du monde médical. Cette erreur m’apparaissait être le talon d’Achille que les politiques, au demeurant, ne manquèrent pas de me rétorquer lorsque j’accompagnais La Présidente lors de nos diverses démarches auprès des pouvoirs publics. Pour le politique ‘le bénévolat’ n’était pas synonyme de compétence. Le projet comportait en fait des enjeux politiques de poids au regard d’une ère de la gérontocratie qui se profilait à l’horizon.
A l’époque la présidence de la commission sociale du conseil général était assurée par Ambroise Guellec originaire de Peumerit et qui fut Maire à Ploudreuzic de 1978 à 2008. Ce dernier m’avait fait valoir lors de mes premières rencontres avec le Conseil Général, que notre organisme était spécialisé et centralisé. Monsieur Le Ministre lui avais-je répondu, spécialisé certes nous le resteront, centralisé nous mèneront les actions structurelles nécessaires pour nous doter de structures administratives de proximité.
Sur un autre plan, un enjeu vital se posait : celui du financement du maintien à domicile. Pour la plus part des responsables associatifs, les heures d’aide ménagère devaient être accrues par les caisses de retraite pour répondre aux besoins. Ces dernières faisaient valoir à juste titre que la vocation première des régimes de retraite était de verser les retraites à ses ressortissants et non de financer la perte d’autonomie qui était une conséquence de l’accroissement de l’espérance de vie. Ce distinguo entre besoins et financement fut souvent l’objet de querelles intestines qui bloquèrent les nécessaires évolutions qu’il fallait prendre pour relever les défis du vieillissement.
De fait l’institution était confrontée à trois problèmes majeurs :

1 Le financement de la dépendance,
2 Le statut des intervenants à domicile,
3 La nécessité de décentraliser

Une impérieuse obligation :

Dès 1962 le rapport Laroque avait mis en évidence les importants besoins de financement qu’il faudrait développer pour répondre au maintien à domicile des personnes âgées. De fait l’aide ménagère, consentie par les caisses de retraites, ne pouvait répondre à l’évolution de la demande. Alors que les pouvoirs publics recherchaient de nouveau modes de financement, il convenait au niveau des organismes gestionnaires que d’importants efforts soient effectués pour maîtriser les coûts de gestion. Or dès 1989 la demande d’heures d’interventions progressait annuellement dans une fourchette de 15 à 17%. Le challenge consistait à répondre aux besoins qui connaissaient une croissance exponentielle sans augmenter les coûts administratifs, ou du moins dans une moindre mesure. Une véritable gageure qui pût être obtenue par la mise en place de la lecture optique automatique des données. Ce système LOAD, dit OMR : Optical Mark Recognition, fut mis en place dès 1990. L’appareil avait une puissance de lecture de 3000 fiches par heure. Ainsi les 15000 fiches parvenant au siège pouvaient être lues en moins de cinq heures. Cette révolution technologique engendra une révolution culturelle, car elle exigeait du personnel de modifier sa technique de travail. Une vive résistance s’engagea car le personnel pensa à tord que sa compétence était remise en cause. La technique employée jusqu’alors restait valable en deçà d’un seuil d’activité, mais devenait obsolète si on voulait raisonner à effectif constant. L’argumentaire du personnel était de dire que le procédé n’était pas fiable puisque les rejets restèrent longtemps au dessus de 20%. La critique était en fait élogieuse puisque c’était admettre implicitement que plus de 12000 fiches étaient lues en automatique. Soit seulement 3000 fiches à saisir en manuel. Ce système fut par la suite repris au plan national afin de franchir une nouvelle étape avec la télétransmission des heures via les téléphones portables. Un tel système fonctionne aujourd’hui en de nombreux points du territoire permettant une gestion des heures en temps réel. Qu’en est il advenu en Finistère, je ne le sais pas puisque j’ai dût cesser mes fonctions en 2002. Toujours est-il que c’était l’étape à franchir si l’on voulait simplifier et renforcer l’efficience du mouvement.

Un Outil décentralisé :

La deuxième grande réforme que je dus mener, fut celle de la décentralisation fédérale . L’idée était de pouvoir assurer un service administratif de proximité pour aider les bénévoles dans leur mission. Ainsi une dizaine d’antennes administratives toutes informatisées et reliées au siège purent être crées progressivement de 1990 avec Audierne pour s’achever avec celle de Landerneau en 2000. Nous avions ainsi un vaste réseau intranet auquel certaines associations locales purent se raccorder. Ce système permettait aux responsables locaux d’accéder en simple lecture aux dossiers des personnes qu’ils aidaient. La toile informatique venait ainsi seconder et renforcer le tissu de bénévoles.
Ainsi la combinaison LOAD et décentralisation aboutissait à modifier profondément et durablement un système hyper centralisé que j’avais connu en 1986. Lequel aurait été irrémédiablement condamné, par la concurrence ou les collectivités territoriales comme les communautés de communes, si ces modifications structurelles n’avaient pas été menées à terme.
Une dernière étape fut franchie en 2001 avec la mise en place du site internet qui permettait aux familles éloignées du Finistère de conserver le contact avec l’association chargée d’assurer un service de proximité pour son parent isolé au fond d’une petite commune de Pen Ar Bed. Bien que l’ADSL n’était pas encore devenue monnaie courante comme aujourd’hui ; enfin je faisais de notre site une vaste tribune sur l’importante activité associative du mouvement. Il semble que ce dernier aspect ait disparu depuis.