samedi 14 mars 2009

AQUAE-SEXTIUS: Naufragés d'une Espérance




'Voici Notre Famille c'était en Mai 1969 juste avant qu'Amstrong ait marché sur l'astre Lunaire.....'






L'Oliveraie:


Quelques jours après mon retour de Strasbourg, on prit la route du sud pour se rendre à Aix en Provence y rechercher un appartement. Je nous revois encore sur le ‘A7’ cette autoroute que nous n’avions plus empruntée depuis près de deux ans. La journée était magnifique on se serait cru encore par une belle journée d’été. C’était un délice de rouler sous ce soleil de plomb. Nos recherches furent couronnées de succès, puisque l’après midi même nous trouvions à louer un beau F3 à la Résidence de L’Oliveraie située Cours Gambetta en direction de la route de Nice. A l’époque le quartier se situait presque en bordure de ville, l’autoroute en arrière de l’avenue Saint Jérôme n’était pas encore tracée et on apercevait encore les champs venant mourir au pied des immeubles. A proximité de ‘L’Oliveraie’ en bordure de l’avenue il y avait un super marché qui permit à Mireille d’y faire nos courses sans avoir à se rendre en ville. Ainsi en ce début d’Octobre 1968, nous emménagions notre nouvel appartement. L’arrière saison était magnifique, il faisait encore chaud et la piscine de la résidence était encore ouverte. Mireille enceinte de cinq mois attendait Myriam notre fille cadette qui naquit le 20 Janvier 1969 à Marseille. C’est de L’Oliveraie que nous partions fréquemment à la Ciotat rendre visite à Tati qui avait depuis plusieurs années, épousé Riquet. Ce monsieur qui venait nous rendre visite au début des années cinquante quand nous nous rendions au Mugel. C’est aussi à L’Oliveraie que l’on assista à l’alunissage de la mission Apollo. Neil Armstrong foulait pour la première fois l’astre lunaire qui fit rêver tant de fois l’humanité. C’était une époque fantastique, faîtes de plein d’espoir. Rien ne laissait présager que nous étions sans le savoir à la veille d’une terrible odyssée qui me fit quitter cette terre Provençale pendant plus de trente ans.
Durant l’été 1969, alors que je me préparais à entrer en quatrième année de licence, je pus obtenir un emploi à l’agence du Cours Mirabeau au Crédit Lyonnais, devenu aujourd’hui ‘LCL’. C’était l’époque du contrôle des changes dont on me confia la charge, venant ainsi se rajouter à la tenue de la caisse. C’était une charge importante, car la clôture de caisse ne pouvait intervenir qu’à la fermeture de la banque qui était l’agence principale d’Aix. Les opérations de clôture étaient souvent longues et fastidieuses, il y avait souvent un léger décalage entre les opérations enregistrées et le montant des espèces. Il fallait alors rechercher l’erreur, cela pouvait parfois demander plus d’heure de recherches. Souvent je quittais la banque vers 19heures, parfois vers 20 heures alors que mes camarades avaient quitté leur fonction dès 17h30. Ce n’était pas l’époque du ‘travailler plus pour gagner plus’.Les stagiaires ne pouvaient percevoir, à l’époque, le règlement d’heures supplémentaires. Quand j’arrivais à la maison, les enfants avaient déjà pris leur repas du soir et attendaient mon arrivée pour aller se coucher. C’était des moments privilégiés partagés avec Mireille qui m’attendait pour que nous prenions notre repas ensemble. Je revois encore notre séjour fenêtres grandes ouvertes pour y accueillir la fraîcheur du soir après une journée caniculaire…..
Le mois d’octobre arriva marquant le départ de ma dernière année universitaire, je pris l’option ‘Gestion des Entreprises’ pour clôturer mon cursus de quatre années d’économie politique. Je pensais que ce choix serait de nature à faciliter ma prochaine immersion dans le monde du travail. C’était sans le savoir s’illusionner une nouvelle fois. C’est dans cette résidence que je fis avec mon camarade Jean Claude Marlier ma première étude de marché qui portait sur la Télévision en couleur. Les écrans plasma ou LCD n’existaient pas encore, la couleur venait juste de faire son intrusion sur le marché de high-tech de l’époque. Les téléviseurs couleur atteignaient des coûts prohibitifs de l’ordre de cinq à six fois le SMIG le prédécesseur du SMIC.
Dès Mars 1970 alors qu’il me restait encore un bon trimestre avant d’aborder mes examens de fin d’étude, nous fûmes subitement confrontés à une difficulté majeure qui ne nous permettait plus de rester dans l’appartement que nous occupions. Cet évènement allait par un curieux hasard nous ramener à Marseille. Cette ville de mon enfance, celle que je dénomme ‘Les Sweet fifties years’ days’.

Chemin de Saint Loup à Saint Tronc :

En ce début de Mars 1970, Mireille fut avisée par son principal débiteur qu’il entendait procéder au remboursement anticipé de sa dette. Ce placement hypothécaire dont le rendement était de douze pour cent constituait les deux tiers de nos revenus. Cette décision imprévue nous mettait dans l’obligation de trouver une solution pour pallier à une chute importante de nos ressources qui avaient permis jusqu’ici à faire face à nos besoins. La situation économique, depuis les évènements de Mai 68, avait radicalement changés et le marché hypothécaire était devenu trop cher pour les entreprises qui pouvaient obtenir auprès des banques des prêts à des taux plus avantageux. C’est ainsi, qu’il nous apparu judicieux de mettre fin à la location de notre appartement de L’Oliveraie. En effet le remboursement de la créance permettait à Mireille d’acquérir un appartement permettant d’économiser le montant du loyer et de faire face à nos besoins tout en m’accordant le temps nécessaire pour trouver un emploi dès l’obtention de ma quatrième année.
Dans ce contexte, je renonçais à poursuivre mes études en DESS, ou éventuellement d’envisager la Harvard Business School pour préparer une formation sur le management, le fameux MBA institué par la célèbre université américaine fondée en 1908 à Cambridge dans le Massachussetts et s’inspirant de la méthode socratique.
C’est ainsi que l’on rechercha un programme immobilier sur Marseille qui corresponde aux capacités financières dont disposait Mireille et de faire face à nos besoins. Par ailleurs le choix du lieu reposait sur la règle du bon sens qui voulait que je puisse à priori trouver plus facilement un emploi dans la métropole phocéenne. C’est ainsi que l’on trouva un programme immobilier répondant à ces critères au 160 chemin de Saint Loup à Saint tronc dans le neuvième arrondissement après Pont de Vivaux. La future résidence se construisit à l’arrière du lycée régional donnant naissance à ‘La Résidence du Lycée’.
Pour la petite histoire, on notera que ‘Chemin de Saint Loup à Saint Tronc ‘ n’existe plus depuis longtemps. C’est en revenant sur ces lieux en 2004 que je constatais que ‘La Résidence du Lycée’ était dorénavant au ‘160 Rue Doize’.
Ainsi après vingt cinq ans d’absence de la cité phocéenne, je me retrouvais à nouveau dans la ville de mes souvenirs. Cela me rappelait étrangement le temps de la Capelette où nous allions avec Maman rendre visite à Tantine dont j’étais ‘Le Petit Biquet’. La Résidence du Lycée se trouvait seulement à quelques centaines de mètres du Sacré Cœur. Etrange coïncidence ! Ainsi en ce beau mois de Mai 1970, tout semble nous réussir et pourtant j’étais sans le savoir dans l’antichambre de l’exil, et de l’odyssée qui allait m’arracher de mes racines durant trente quatre ans.
C’était l’époque où ‘Mémé’ habitait encore au 13 Rue Adolphe Thiers en occupant l’appartement du premier étage qui avait été celui de ‘Tati’ dans les années d’après guerre. Quant à mon frère Marc, il occupait les deux chambres du deuxième étage qui avaient été celles de mes grands parents et de la mienne de 1948 à Février 1955. Il fréquentait à l’époque une certaine Josette Erza qui poursuivait avec lui des études de médecine.
En Février 2009 alors que Marc avait souhaité m’accompagner à la clinique Bouchard, où je devais subir une biopsie qui révéla l’existence d’un adénocarcinome du pancréas, on fut amené en revenant à mon domicile du boulevard Clémenceau d’évoquer le souvenir de Josette Erza dont les parents habitaient, à l’époque, au boulevard Baille. On évoqua également les conditions dramatiques dans lesquelles son père fut exécuté par ‘le milieu marseillais’. Quelques jours plus tard, je ne pus m’empêcher de solliciter ‘Google’ qui me révéla les coordonnées de Josette. Ainsi près de quarante ans s’étaient écoulés depuis notre dernière rencontre. Elle est anesthésiste et son mari est chirurgien et est un ami du gastroentérologue qui a découvert la tumeur qui a envahie l’isthme de mon pancréas.
L’été 1970 marqua mes dernières vacances universitaires, elles furent marquées par l’hospitalisation de ‘Louis Le Magnifique ‘ à la clinique de L’Emeraude d’où il sorti le 30 Juillet 1970. Le mois d’Août scella nos dernières vacances en bord de mer où l’on parti camper sur la côte d’Azur. Karine avait trois ans et demi et Myriam allait vers ses dix huit mois. Lors de nos veillées on essayer d’évoquer avec Mireille notre futur proche. On l’imaginait ici en Provence, pas un seul instant nous ne pouvions imaginer que la dureté de la vie allait nous arracher de ce pays de cocagne.

Requiem à Saumur :

L’été touchait à sa fin et nous avions rejoint Marseille pour enclencher mes recherches d’un premier emploi. Parfois le week end nous allions à ‘La Villa des Roses’ rendre visite à Tati qui s’était mariée avec Henri Caviggia alias ‘Riquet’. Cela me rappelait l’époque où je venais le dimanche à La Ciotat pour aller nous baigner à la calanque Du Mugel. Les ruines que j’avais autrefois connues avaient étaient remplacées par une magnifique villa entourée de centaines de rosiers. Mémé était venue passer l’été à La Ciotat et se plaignait souvent de maux de ventre mais rien ne laisser présager le drame auquel nous allions être rapidement confrontés.
Par une belle matinée de Septembre, Marc vint m’annoncer en catastrophe que ‘Mémé venait d’être hospitalisée en urgence à l’hôpital Sainte Marguerite au service de chirurgien digestive. Cette nouvelle avait l’effet d’une massue qui me tombait subitement sur la tête. Rien de tel n’avait laissé supposer une telle éventualité. C’est dans ces circonstances dramatiques que je rejoignis l’hôpital. ‘Mémé’ était allongée sur son lit d’hôpital avec une multitude de sondes venant l’envahir. Le moniteur inlassablement scandait, par son bip infernal, le rythme cardiaque. Pourtant les traits de son visage étaient paisibles et elle semblait être plongée dans un sommeil profond. Je ne réalisais sur l’instant que ‘Mémé’ était entrée dans le coma. ‘Louis le Magnifique’ était à son chevet lui tenant la main pour la rassurer de sa présence. Les quelques explications qu’il me donna étaient sans espoir. Opérée d’un infarctus du mésenter, le diagnostic de survie restait très faible. Une deuxième tentative opératoire allait être à nouveau tentée en fin de matinée. C’était la dernière fois que je voyais ‘Mémé’. Celle qui venait en cachette me donner mon dessert alors que ‘L’Entreprenant’ m’en avait privé pour avoir mal répondu à des questions que j’étais censé connaître lorsque j’étais encore minot. Je sorti de l’hôpital complètement abasourdi, le lendemain 27 Septembre ‘Mémé’ nous quittait pour toujours. Sa dépouille mortelle fut ramenée au 13 Rue Adolphe Thiers pour y recevoir le traitement au formol et permettre, ainsi, l’inhumation à Saumur.
Le 31 Août ‘Louis Le Magnifique’, ‘Tati et Riquet’, Marc et moi-même nous nous rendîmes en l’église des Réformés pour assister à la messe qui fut célébrée avant le départ pour la lointaine Anjou. Le cercueil fut ensuite hissé dans le corbillard au sein duquel Tati et Riquet prirent place. ‘Louis Le Magnifique’ et Marc montèrent à bord de la R16 qui se plaça derrière et je clôturais le cortège mortuaire avec l’A111, une autobianchi. Nous allions ainsi parcourir plus d’un millier de kilomètres à travers la France en respectant une vitesse qui ne devait pas dépasser les quatre vingt kilomètres heure. Saumur fut atteinte en fin de journée et la nuit était déjà tombée depuis longtemps lorsqu’on vint se garer devant notre hôtel situé en bordure de la Loire.
L’inhumation se déroulait tôt en matinée. C’est ainsi que le premier Octobre 1970, le cortège franchissait les grilles du cimetière de Saumur. Le corbillard roulait au pas et se dirigea vers l’allée ‘O’ pour s’arrêter définitivement à l’emplacement ‘30’ qui est le repère cadastral du tombeau familial de la branche paternelle. Ainsi ‘Mémé’ venait rejoindre ‘L’Entreprenant’ l’inventeur de la roue indépendante des landaus suspendus pour enfants. Le voyage venait de s’achever marquant la fin d’une époque. Alors si un jour Ilan et Anouk venaient à Saumur, il faudra qu’ils repèrent le cimetière des Boys qui étaient venus se battre pour nous permettre de garder notre liberté : ‘Autrente’ c’est juste derrière.
Je revois encore aujourd’hui les grands cyprès qui se découpent dans le ciel bleu pâle du pays de ‘La Rose’ terre natale de mon grand père paternel. Marie Henriette notre cousine germaine était déjà là à attendre l’arrivée du corbillard.
Une dernière bénédiction fut donnée et le cercueil fut déposé dans les entrailles du caveau familial qui fut immédiatement recelé. On resta encore un moment à se recueillir, s’imprégner de ce dernier souvenir d’Odile Bourdiol qui venait de quitter pour l’éternité sa terre languedocienne de Mèze qui l’avait vue naître au début du siècle dernier.
En consultant les archives des Réformés, l’acte de sépulture est ainsi enregistré à l’article 72. On quitta le cimetière et comme le veut la tradition, on prit la route de Douai La Fontaine pour rejoindre le domicile de Marie Henriette y rejoindre son mari Paul ainsi que leurs enfants. C’est ainsi qu’avec Marc nous faisions connaissance de nos cousins issus germains. Ce fut la seule fois ou toute la famille du côté de ‘L’Entreprenant’ se retrouva réunie. Seule notre sœur Anne manquait à l’appel.
L’après midi même on repris le chemin du retour, mais si nous n’étions plus contingenté par la limitation de vitesse nous avions à rejoindre la capitale des Gaulles sans autoroute, soit près de sept cent kilomètres à effectuer sur des nationales transversales. Tati et Riquet prirent place dans ma voiture m’assurant ainsi d’une présence utile et efficace pour lutter contre le sommeil lors du trajet de nuit. Lyon fut atteinte vers une heure du matin , cela représentait plus de dix heures de route déjà. Trois cent longs kilomètre nous séparaient encore de Marseille ce qui représentait, en l’absence des radars, tout au plus trois heures de route sur le A7. Le pari fut tenu , vers quatre heure du matin je déposais Tati et Riquet rue Adolphe Thiers. Vingt minutes plus tard à cette heure matinale je garais la voiture devant notre domicile du 160 chemin de Saint Loup à Saint Tronc devenu Pierre Doize.

La Controverse pour L’Emploi :


Revenu de Saumur, l’arrière saison s’annonça agréable et encore très ensoleillée. Ce n’était donc pas un temps qui incitait à se lancer dans la quête d’un job. Mais les dures contraintes de la vie faisaient qu’il était urgent maintenant de pouvoir travailler assez rapidement pour faire face aux besoins de notre famille.
Déjà le département des Bouches du Rhône en cette fin d’année 1970 avait le triste privilège d’enregistrer le plus fort taux de chômage dans l’hexagone. L’antique cité phocéenne à elle seule enregistrait plus de 40 000 demandeurs d’emploi. Ce n’était certes pas la controverse de Valladolid menée en 1550 par le dominicain Las Casas qui défendait l’humanité des indiens face à l’avidité cupide des espagnols défendus par le philosophe Sepulvéda qui considérait que certains peuples sont nés pour être dominés. Cette controverse pour l’emploi est pire que celle portant sur l’humanité des indiens d’Amérique. Le politique, qu’il soit de droite ou de gauche, a toujours considéré les chômeurs comme des êtres fainéants cherchant à se faire assister. Dans ce contexte d’indifférence générale face à cette lancinante problématique je me lançais sans aucun appui à la recherche de mon premier emploi. C’est ainsi que je contactais L’APEC : l’agence pour l’emploi des cadres qui me refusa son aide du fait que je n’avais jamais travaillé. L’accès à des propositions d’emploi sur la région se fermait dramatiquement. Sans aucune aide publique alors que j’étais chargé de famille avec deux enfants en bas âge je me retrouvais dans cette jungle impitoyable où celui qui est seul est condamné. Je constatais avec frayeur que le discours de nos chers professeurs ne correspondait pas à la dure réalité du marché de l’emploi pour les cadres : celle de la combine, des petits copains.
Pourtant sans avoir lu Karl Boll : ‘Sur la manière de chercher un emploi et de le trouver’, j’entrepris une opération marketing auprès des industries pétrochimiques de Berre-Lavéra. Ma démarche de candidature spontanée paraissait pour la plupart des DGRH comme incongrue et quelque peu présomptueuse de ma part. On me fit comprendre que les emplois de cadres étaient réservés aux parisiens qui avaient servis servilement l’entreprise. Travailler en PACA c’était la cerise sur le gâteau de fin de carrière, rien à voir avec la compétence et permettre aux jeunes de la région de faire leurs preuves et débuter une carrière. C’était hallucinant à entendre, mais quarante ans plus tard comme le disait, déjà, Julio Iglésias : ‘Non rien a changé…’.Et moi non plus ‘je n’ai pas changé’, alors ne vous étonnez donc pas si aujourd’hui la crise vient amplifier cette controverse qui est encore loin d’être achevée.
Durant tout le dernier trimestre de cette année fatale j’épluchais désespérément les offres de travail sur le Méridional et le Provençal, ainsi je découvrais que la société civile m’interdisait de pouvoir prétendre légitimement à travailler dans mon pays, l’heure de l’exil était en train de sonner. Mais Mireille ne pouvait se rendre compte de la situation, car trop préoccupée par l’éducation de nos filles qui lui prenait tout son temps.
Des centaines de curriculum-vitae furent adressées aux principales entreprises de la région, aucune ne me répondit. Diplômé de la très illustre faculté de Droit et des Sciences Economiques d’Aix en Provence, mon CV n’intéressait personne. C’était incompréhensible, d’autant que nos professeurs considéraient que nous avions eu de la chance d’avoir pu accéder à cette formation réservée à la future élite se plaisaient-ils de dire. Quelle désillusion !
Les rares entreprises qui acceptèrent de m’accorder un entretien préliminaire furent des entreprises de la région Parisienne. Pour me rendre dans ‘Le Macrocosme’, je me rendais à la gare Saint Charles pour y prendre le train de nuit afin d’être à pied d’œuvre dans la capitale dès le lendemain matin. A chaque entretien je reprenais espoir, mais ceux-ci s’achevaient par cette terrible sentence : ‘votre candidature est intéressante, mais vous manquez d’expérience !’. C’était décourageant, mais surtout révoltant car avec le recul du temps cela démontre à l’évidence le mépris qu’il y avait et qui demeure encore aujourd’hui de la part de ces recruteurs qui se souciaient guère des frais que cela pouvaient représenter. D’autant, qu’à l’époque je ne bénéficiais d’aucune indemnisation de mes frais de déplacement pour recherche d’emploi. C’était encore à ce niveau limiter mes capacités de recherche au regard des coûts auxquels cela m’exposait. Aucun membre de ma famille, ni de ma belle famille au demeurant, n’eurent la moindre attention face à cette difficulté à laquelle nous étions confrontés. Aucun soutien moral ne nous fut également accordé. Nous étions seuls face à un océan d’indifférence d’un monde cupide et amoral dont la perte était inéluctable.
Pourtant, il ne fallait pas baisser la garde, la quête pour l’emploi devait se poursuivre coûte que coûte. Le début du mois de Novembre fut marqué par la disparition du Général De Gaulle, je me revois encore aujourd’hui assister, de la Résidence du Lycée, à ses obsèques qui furent diffusées à la télévision. Son cercueil était porté sur une sorte de chariot ayant des roues à rayon pour porter de l’artillerie légère. Cet étrange corbillard recouvert du drapeau tricolore traversa les rues empierrées de Colombey les Deux églises là bas dans la lointaine Lorraine. Dans le courant du mois de Décembre alors que j’étudiais une fois de plus les offres d’emploi paraissant dans ‘Le Monde’ du mardi, sans grande conviction je répondis à une offre émanent d’un organisme professionnel relevant du secteur de la coopérative agricole. La description du poste ne paraissait pas être réellement un poste ayant un fort potentiel d’évolution, mais je décidais d’être moins ambitieux dans mes recherches. De fait et sans réellement m’en rendre compte, j’acceptais implicitement de dévaluer mon diplôme dans l’espoir d’obtenir ce premier emploi qui pourrait par la suite me servir de tremplin. C’était une erreur fatale à ne pas commettre vis-à-vis des recruteurs qui instauraient déjà des barrières étanches entre les divers secteurs de l’économie. Dans les jours qui suivirent, je reçu un courrier de cet organisme qui me convoquait à un entretien auquel je me rendis début Janvier à l’avenue de Wagram où résidait le siège de la Coopérative Agricole qui était dirigée à l’époque par un certain Jack Lequertier.
Ainsi par une froide matinée d’hiver de Janvier 1971, je me rendis à ce rendez vous qui allait bientôt sceller mon avenir. Arrivé à l’heure qui m’avait été fixée on me fit attendre dans un couloir où l’on avait installé quelques chaises. J’attendis un long moment derrière une grande porte qui se trouvait au fond de cette coursive que personne ne semblait emprunter au sein de cet immeuble haussmannien. Lorsque la porte s’ouvrit un certain J. Robert Secrétaire Général dudit organisme m’invita à entrer dans la salle de réunion qui était remplie de fumées acres se dégageant d’une vingtaine de cigares tenus par leurs propriétaires qui étaient tous vautrés autour d’une grande table ovale. On me fit m’asseoir à l’une des extrémités pour que je réponde à toute une série de questions que les membres du groupe me posaient. Au terme de l’audition qui ressemblait plus à un interrogatoire relevant d’un tribunal digne de l’inquisition, on me pria de sortir de la pièce afin qu’une délibération soit prise. Quelque minute plus tard la porte s’ouvrit à nouveau et je repris place devant les membres de cet organisme qui étaient en fait les membres du bureau de l’institution. A mon grand étonnement je fus avisé que ma candidature était retenue.
Il me fut notifié que mon salaire de départ était fixé à 2000 francs par mois et qu’en raison de mes fonctions de cadre j’étais assujetti à une période d’essai de six mois. Abasourdi par une telle rapidité de décision qui ne correspondait en rien aux procédures classiques de recrutement, je donnais mon accord pour une prise de fonction dès le 1er Février.
Je quittais l’avenue de Wagram, en réalisant difficilement que mes recherches venaient de prendre fin. L’euphorie du moment, mon inexpérience de la vie professionnelle me firent occulter un pressentiment que j’avais ressenti lors de mon audition : celui d’avoir été le seul candidat qui avait postulé à ce poste qui s’inscrivait encore dans une époque de plein emploi en région parisienne.
C’était le hasard des recherches, et la nécessité impérieuse d’avoir un emploi qui me firent accepter cette offre si facilement octroyée. Ma préoccupation première devenait alors de trouver un logement en région parisienne pour y héberger les miens.
C’est dans cet état d’esprit que je rejoignis la gare de Lyon pour reprendre mon train pour la ville phocéenne où j’arrivais en fin de soirée.
J’annonçais à Mireille cette bonne nouvelle qui mettait un terme aux inquiétudes qu’elle éprouvait comme moi depuis de nombreux mois. Le cauchemar prenait fin et dans les jours qui suivirent on pris le chemin de la capitale pour y trouver un appartement.

Incursion dans le Macrocosme :

Ayant eu l’accord de Josette qui était l’amie de mon frère de garder nos filles durant notre déplacement en région parisienne, nous nous apprêtions à prendre la route pour Paris. Je reçu ce jour là un courrier d’une banque pour le développement économique en Afrique me proposant un entretien aux fins d’étudier ma candidature spontanée que j’avais faîte auprès des différents établissements bancaires de la région.
N’ayant pas le téléphone, je décidais selon l’adage ‘Mieux vaut tenir que courir’ de poursuivre nos préparatifs de départ. On fit, comme j’avais l’habitude de le faire, notre trajet de nuit. Le lendemain matin dès sept heures nous franchissions le périphérique pour nous diriger vers la porte d’Orléans à proximité de la station d’Alésia où ma belle sœur Sylvie nous attendait dans son petit studio. Notre budget limité nous permettait de faire face au coût de deux nuitées à l’hôtel. La sœur de Mireille nous aida à en trouver un au quartier latin. Celui-ci situé derrière l’école Polytechnique à proximité du boulevard Saint Germain, par sa position centrale facilita nos recherches. Toutefois le coût prohibitif des loyers à Paris intra muros, nous amena immédiatement à opter pour un appartement dans la proche banlieue. La première journée fut harassante et infructueuse. Sylvie nous quitta en soirée vers vingt deux heures, un peu déçu par nos recherches et le prix des loyers on retourna fourbu dans notre petit hôtel. Je ressentais un malaise indéfinissable et je m’endormis avec beaucoup de difficultés. Dans la nuit un cauchemar me réveilla ; j’étais en sueur, un pressentiment me poussait à fuir cette ville. Mon instinct me commandait à reprendre la route en pleine nuit pour rejoindre Marseille et me rendre au rendez vous que de la Banque me proposait pour un poste éventuel. Mireille ne comprenait pas ce désarroi qui venait subitement m’assaillir. Elle chercha à calmer mes inquiétudes et je me rendormis tant bien que mal. Le lendemain matin je finissais par accepter de poursuivre nos recherches. J’abandonnais, de fait, l’option d’obtenir un éventuel emploi auprès de cet établissement bancaire.
Avec le recul du temps, je réalise que j’aurais du proposer à Mireille de retourner à Marseille pour tenter cette éventuelle opportunité qui correspondait plus à ma formation et à mes aspirations professionnelles. Sur un autre plan et pour prévenir nos arrières j’aurais pu invoquer auprès de l’organisme parisien que je rencontrais des difficultés à trouver un logement ce qui m’amenait à différer d’un mois ma prise de fonction pour la reporter au 1er Mars 1971. Hélas je n’eu pas cette présence d’esprit qui aurait été de nature à rassurer Mireille.Ainsi par ce petit rien, notre avenir se tournait de façon irrémédiable vers le macrocosme parisien. Notre deuxième journée fut couronnée de succès, on trouva un appartement de type F3 dans un ensemble récent au ‘Val D’Argenteuil’. Notre bailleur était un un important groupe immobilier dont le siège social se trouvait à La Défense. Les conditions de location qui nous furent imposées étaient draconiennes, notre loyer mensuel atteignait huit cent francs et ne devait pas excéder le tiers de notre revenu hors allocation familiale. Mon seul salaire ne répondait pas à cette contrainte , seule la location de l’appartement de Marseille permettait alors de remplir les critères exigés par le promoteur. Ainsi Mireille s’engagea à louer rapidement son appartement. En signant conjointement nous venions de sceller notre exil marquant ainsi le début d’une longue odyssée qui s'acheva seulement en janvier 2004 qui marqua mon retour en PACA.

2 commentaires:

BlaiseB04 a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
BlaiseB04 a dit…

Comme c'est bizarre la vie, je me suis marié en 1970 et jusqu'à mon divorce, j'allais avec mon ex et les enfants chez ma belle-mère(remariée) au chemin de Pont de Vivaux à St Tronc, dans le 10ème qui, maintenant, est la rue François Mauriac. Avec toute mon amitié.