mercredi 15 octobre 2008

La Dynastie de L'Obscur : Nulla Interposita Sentatia

'La statue de Saint Grégoire au dessus de la chapelle fut abattue lors d'une tempête bien après 1965, année qui marqua mon départ définitif de Tallard.'
En juin 1946 'Louis Le Magnifique' achevait ses études de médecine, et sortit major de sa promotion à l'âge de vingt six ans. Epuisé par la procédure en divorce qu'il venait de traverser, il se rendit à Châtel Guyon dans le courant de l'été pour y suivre une cure de repos avant d'entreprendre l'exercice de la médecine praticienne au pays de Tallard dans les hautes Alpes. C'est dans ces circonstances qu'il fit la connaissance d'une certaine Anne Marie son aînée de trois ans avec laquelle il fonda dès 1947 La Dynastie de L'obscur. Anne Marie âgée aujourd'hui de quatre vingt douze ans réside dans une maison de retraite à Nantes, alors que Louis Le Magnifique nous a quittés depuis plus de seize ans. Cette deuxième dynastie est qualifiée d'obscure en raison des véritables motivations qui menèrent à enclencher une procédure d'annulation en mariage à l'encontre de la Dynastie de L'éphémère. En effet les raisons qui me furent données,à l'époque, se révélèrent être incohérentes au regard d'une analyse objective des faits. D'autres motifs cachés justifièrent une telle action, mais j'en ignore encore aujourd'hui les véritables fondements.
L'Infamie du Mariage Putatif :
C'est notre très Sainte église catholique et apostolique qui institua la théorie du mariage putatif. Celle-ci permet par une procédure en cour de Rome de demander l'annulation d'un mariage afin de permettre à celui qui en fait la demande de pouvoir se remarier à l'église. Le droit canon en la matière considère que le mariage, puisque annulé, est censé n'avoir jamais existé. Ainsi les juristes romains instituaient le principe de la rétroactivité qui n'est pas reconnu en droit civil. De facto l'enfant issu d'une telle union devenait adultérin: 'le but inverse que recherchait Louis Le Magnifique en épousant ma mère'. Pour neutraliser la conséquence du principe de la rétroactivité, les légistes imaginèrent un principe selon lequel l'enfant pouvait rester légitime bien qu'issu d'un mariage n'ayant jamais existé: un comble! Cette infamie juridique fut utilisée par 'Louis Le Magnifique' aux fins de se remarier à l'église. Ce fut également une infamie morale car, à mon sens, il n'y a pas eu vice du consentement de sa part bien au contraire. C'est lui, en effet, qui avait demandé à L'Aquarelliste d'épouser ma mère pour légitimer L'Homme oublié. La seule personne qui aurait pu se prévaloir d'une telle procédure est Maman puisque elle dût se plier aux exigences de L'Aquarelliste. Lors de mon retour en PACA en juillet 2004, mon parrain le Docteur Emile Yves Bourdoncle, leur témoin de mariage, m'indiqua que ma mère déclarait dès cette époque qu'elle ne voulait pas rester avec mon père. Ce témoignage éloigné confirme bien le motif obscur d'une telle procédure en annulation. Ainsi peut-on lire en marge du registre des mariages de la Paroisse Saint Pierre Saint Paul à l'acte 24 du 19 Mai 1944:
'De hujus matrimonii nullitate constat ex duplici sentatia (massiliae die 10.2.50 et aquae die 13.7.50) nulla interposita sentatia, intra statutum tempis'. Cette insertion latine signifie: 'De la nullité de ce mariage il est fait attestation par une double sentence (Marseille au jour du 10.2.50 et Aix en Provence au jour du 13.7.50) aucun appel n'a été interjeté après la sentence dans les délais prévus' (confer droit canon 1987)'.
De fait la Dynastie de L'Obscur ne put devenir chrétienne qu'en 1950. Un simple mariage civil s'imposa durant les trois premières années du mariage.
Allons chercher de l'herbette:
En 1948, je me retrouvais habiter à Tallard en contre bas du château au 12 rue Souveraine. Le Cabinet médical était situé au rez de chaussée, avec le salon d'attente des malades qui venaient en consultation. Le premier étage était réservé à l'appartement de Louis Le Magnifique où les deux dynasties du haut empire se succédèrent jusqu'en 1970. Le deuxième étage en ce début de règne était pratiquement inhabité, seule ma chambre fut occupée en 1948-49, ainsi qu'aux périodes où je remontais de Marseille pour les vacances. A l'époque Anne Marie, la mère de mon frère Marc ne me témoignait pas une grande affection. N'étant pas son fils , elle considérait que je n'avais pas le droit d'utiliser la salle de bain; c'était selon elle un lieu réservé à sa famille dont j'étais exclu. Pour faire ma toilette le matin, 'la bonne' m'installait une cuvette d 'eau froide sur une chaise de la cuisine me mettant aux vues de tout le monde. A l'époque la pièce était en communication directe avec la cage d'escaliers me mettant ainsi en plein courant d'air lorsque on ouvrait la porte d'entrée pour faire rentrer les patients. J'espérais que mon père en me voyant, interviendrait pour mettre un terme à cette situation. Durant plusieurs années il n'en fut rien. Ainsi je me sentais comme un intrus qui dérangeait tout le monde. j'étais l'étranger! Ma scolarisation en maternelle s'effectua chez les Religieuses qui avaient à l'époque leur école au 14 de la rue Souveraine. Les deux immeubles avaient en commun une cour intérieure dont l'espace était en mitoyenneté. Cette spécificité de construction se révéla quelques années plus tard être une source de conflit entre 'Louis Le Magnifique' et les Religieuses. Lors des récréations, nous jouions au pied du Château et nous pouvions apercevoir la grande cuisine où je prenais mes repas avec l'employée de maison. C'est dans ces circonstances, que je fis la connaissance d'une petite fille de mon âge qui répondait du nom de 'Dadou'. En fait il s'agissait d'un sobriquet pour désigner le prénom d'Andrée. Elle fut ma première camarade d'enfance. Les jours ou nous n'avions pas 'école', nous partions tous les deux dans les rues de Tallard en se tenant par les mains et en nous croisant les bras. Je nous revois encore chanter 'Allons chercher de l'herbette....'. Les gens nous regardaient avec compassion et s'exclamaient en souriant 'Voilà les amoureux!!!'. Berthe Féraud notre aînée de deux ou trois ans manifestait de la jalousie pour l'affection qui régnait entre Dadou et moi. Elle voulait avoir une exclusivité totale sur nous et supportait difficilement que nous partions jouer sans elle. Souvent on se retrouvaient tous ensemble dans un petit champ à l'entrée du village en direction de la Saulce. Les parents de Dadou y cultivaient un peu de blé et stockaient la paille pour les quelques vaches qu'ils élevaient leur permettant de compléter leurs faibles ressources par la vente du lait. Dans un de ces paillets se trouvait une sorte de caverne. Nous allions à l'intérieur de celle-ci et notre jeu consistait à glisser entre la paille et la bâche pour rejoindre le sol. Berthe contrôlait les opérations pour éviter que nous étouffions sous la lourde toile. Un jour, alors que Dadou et moi étions allés nous promener une nouvelle fois dans les rues du village, Berthe en pris ombrage. Ainsi un après midi alors que nous nous livrions à ce jeu de glisse, Berthe bloqua la toile pour que je ne puisse en sortir. Je cru étouffer, hurlant de frayeur je parvenais néanmoins à me relever et atteindre le bord du paillet pour retrouver l'air libre. Je n'aimais pas Berthe, elle non plus! Parfois elle emmenait Dadou se promener dans les jardins de la Durance et je ne voyais plus Dadou pendant plusieurs jours. Pour passer ces longs temps d'attente, je prenais une jante de vélo dont les rayons étaient enlevés et à l'aide d'un guide en fil de fer, je poussais ce cercle de métal qui émettait un sifflement strident. C'était le jeu de l'époque , les jeux électroniques n'existaient pas encore.
Soeur Angélique:
Soeur Angélique fut en 1949 ma première maîtresse lors de ma scolarisation en classe de maternelle. Pour rejoindre l'école des 'Bonnes soeurs' il fallait emprunter la ruelle qui serpentait au pied du château se trouvant en parallèle à la rue souveraine. Je n'aimais pas Soeur Angélique qui témoignait à notre égard une grande sévérité. Ainsi pour nous punir d'une bêtise que nous avions pu accomplir, elle nous prenait par le lobe de l'oreille et nous le tordait de toutes ses forces. Cela donnait l'impression qu'elle nous arrachait l'oreille. Lors d'une récréation du matin, alors que l'on jouait au pied du château , le sol était jonché de débris de tuiles que les couvreurs avaient laissés lors de la remise en état de notre toiture. En mon for intérieur je pensais que cela pouvait présenter un danger.Ce pressentiment se révéla exact. En courant sur ces débris, alors que nous jouions aux gendarmes et aux voleurs, je trébuchais et dans ma chute je m'ouvris la lèvre inférieure. Quelques minutes plus tard je me retrouvais sur la table de consultation de 'Louis Le Magnifique' qui me posa une agrafe. Hormis cet incident dont je conserve encore aujourd'hui la cicatrice, ce premier contact avec l'école me laissa peu de souvenirs.L'année scolaire suivante, je reprenais le chemin de l'école pour entrer en 11ème correspondant au cours élémentaire de première année le : CE1. J'entrais ainsi à l'école des 'Grands'. En ce début d'année scolaire l'arrière saison était magnifique, et Soeur Angélique se montrait plus conciliante à mon égard. C'est elle qui m'avisa que j'étais désigné à jouer le rôle de médecin 'comme mon Papa', dans une pièce de théâtre qui serait présentée aux vacances de Noël devant les parents comme le voulait la tradition. Pour apprendre nos rôles respectifs, nous devions rester à l'école après seize heures et nous répétions dans une grande pièce donnant sur la cour intérieure. Un soir de fin octobre alors que je me trouvais sur l'estrade à répéter mon rôle, Soeur Angélique vint à ma rencontre pour me prévenir qu'il fallait que je rentre immédiatement chez moi. Son air grave m'intrigua mais je ne me doutais guère de ce qu'il allait advenir dans les minutes qui suivirent. Une heure plus tard, je me retrouvais dans la 203 à côté de mon père pour rejoindre Marseille dans la précipitation. Je quittais Tallard pour plusieurs années et mes espoirs de rester avec mon frère Marc s'évanouissaient définitivement. C'était le premier choc Dynastique dont je fus conscient. Ainsi dès l'âge de cinq ans je devenais un enfant solitaire séparé de mes parents et de mon jeune frère. Le 23 Mai 1951 ma soeur Anne naissait à la clinique Bouchard située rue du Docteur Escat. 'Louis Le Magnifique' était venu me chercher à la rue Thiers pour nous rendre à la clinique y voir la mère de mon frère. Elle tenait le bébé dans ses bras et semblait fatiguée. Je compris également ce jour là que je ne grandirai pas auprès de ma soeur. C'était un bonheur qui m'était interdit. De ces chocs affectifs à répétition, en découla une profonde dépression dont je ne pris réellement conscience que bien plus tard.Ainsi le processus s'installa insidieusement à l'insu de tous. Cette situation expliqua en grande partie la rébellion que j'organisais en Février 1955 à l'occasion des 'fugues en mineur' décrites au chapitre précédent.

1 commentaire:

Copernic a dit…

Lors de la visite de ma soeur à Marseille en Octobre 2008, elle complétait mon information concernant la fratrie des frères et soeurs du côté de sa mère.
Ainsi La Dynastie de L'Obscur avait :
- Une soeur ainée répondant du prénom de Suzanne décédée à l'âge de sept ans de la scarlatine,
-D'une soeur Geneviève qui fut avocate et que je connu au début des années cinquante à Tallard,
-D'un frère Jean né en 1915, et décédé à l'âge de 93 ans en 2008,
- Béatrice décédée il y a quelques années à l'âge de 80 ans que je connu également à Tallard.
A l'époque elle était Sergent et affectée en Indochine avant la défaîte de Dien Dien Phu