samedi 18 octobre 2008

La Dynastie de L'Obscur: Les deux Tours

Les deux donjons dominant la cour intérieure du château symbolisent les deux dynasties que 'Louis Le Magnifique' m'imposa. Lesquelles s'entrechoquèrent sans jamais se croiser. Ainsi ces années 1950-56 furent une époque charnière dans la construction du processus dépressif favorisant ultérieurement la lancinante répétition.
Les Jouets cachés:
Revenu dans la cité Phocéenne dès Novembre 1950, les vacances scolaires furent parfois l'occasion de venir à Tallard pour passer quelques jours avec mon frère Marc. Il avait des jouets magnifiques. Je me souviens plus particulièrement d'un jeu de construction qui permettait d'édifier des chalets de montagne. Chaque pièce de bois était faîte à l'échelle, nous passions ainsi des après midi entières à la construction de modèles qui étaient la réplique rigoureuse de chalets existants. Le plastique qui allait bientôt envahir le monde du jouet n'avait pas encore acquis, à notre grand bonheur, ses titres de noblesse! On s'installait sur la grande table de la salle à manger pour y accomplir notre oeuvre. Une année alors que j'étais venu passer une nouvelle fois les fêtes de Noël, les jouets de Muad'dib' avaient disparus. Je demandais alors à sa mère où se trouvaient les jeux de mon frère. Elle me répondit laconiquement que ces derniers étaient rangés pour éviter de les abîmer. De fait, nous étions interdits de jeux, c'était un comble. Considérant qu'il y avait un abus de sa part, je décidais de saisir la haute autorité de 'Louis Le Magnifique'. La sentence ne se fit guère attendre, les jouets furent rendus séance tenante. Ainsi les jouets qui avaient été cachés dans un placard mural de la salle de bain se retrouvèrent à notre plus grande joie en notre possession. Le combat avait été rude mais c'était une victoire qui permit également à Marc de reprendre possession des jouets qui lui avaient été confisqués avant mon arrivée de Marseille.
Souvenirs de Noël:
Lors des fêtes de Noël je restais la plupart du temps chez mes grands parents rue Adolphe Thiers. C'étaient des jours comme les autres. On ne dressait pas de sapin, la veille au soir avant de monter à ma chambre, je mettais mes souliers au pied de la cuisinière. Le lendemain matin, j'y retrouvais les cadeaux que le père Noël avait déposés dans la nuit. Par intuition je savais que certains venaient de Londres car Maman me demandait à la fin de chaque été ce que je souhaitais lui commander. D'autres étaient en provenance du Canada où une grande tante du côté de ma grand mère maternelle, une certaine Germaine Teisseire, m'envoyait des chocolats que l'on ne pouvait trouver dans les confiseries provençales. A vrai dire, et bien que le secret du père noël ne me fut jamais dévoilé, je ne croyais guère en son existence. J'en fus persuadé lorsque 'L'entreprenant' me demanda un jour ce que je souhaitais recevoir de sa part. La requête me parue suspecte, car Tati me faisait poster ma lettre au Père Noël au début du mois de Décembre. C'est donc sans grande conviction que je lui fis part de mon souhait. Il s'agissait d'un cyclorameur comme celui qu'il exposait dans le magasin. Quelle ne fut pas ma surprise de voir ce jouet tant convoité se trouver à côté de mes souliers avec les autres cadeaux ce fameux matin de Noël 1952. Intrigué, et sans rien dire, je profitais d'une absence momentanée de Pépé pour vérifier si le cyclorameur du magasin était toujours en exposition comme la veille au soir. Il avait disparu! Plus aucun doute à avoir, Le Père Noël était une pure invention des adultes, mais je ne parvenais pas à comprendre le sens de ce gros mensonge. Je pris possession de ce jouet tant souhaité, dans mon empressement je vins heurter le bureau de mon grand père. 'L'Entreprenant' décida de le ranger à la place qu'il occupait la veille dans le magasin. Je compris qu'il venait de me le confisquer. Le jouet de nouveau exposé, ne fut jamais vendu. Alors que je faisais fréquemment des angines aux fêtes de Noël 'Louis Le Magnifique' décida,une ou deux fois, de m'emmener à Tallard afin que l'air pur des Alpes facilite ma guérison. Ces Noëls furent de véritables enchantements qui changeaient radicalement de l'ambiance qui régnait à la rue Thiers. La grande maison était pleine de vie, avec les venues des patients qui se rendaient au cabinet médical. Dans la salle à manger, Anne Marie dressait une crèche qui comprenait plusieurs dizaines de santons posés tout autour d'un village provençal dont les fenêtres de chaque maison étaient éclairées de l'intérieur. Ces fameux santons que mon père avait dû acheter aux allées de Meilhan en haut de la Canebière. Anne Marie me fit connaître ces personnages illustres comme: le bohémien, le bastidan, le pistachier, le puisatier, le tambourinaire, le ravi et tant d'autres. C'est elle aussi qui m'expliqua le positionnement des rois mages qu'il fallait rapprocher chaque jour de l'étable où Jésus était né. C'était m'expliquait elle pour symboliser le voyage qu'ils avaient entrepris pour venir rendre hommage au Messie le jour de l'épiphanie, soit onze jours après sa naissance. Je revois encore cette crèche magnifique où sur le côté se dressait un sapin orné de guirlandes étincelantes. A l'extremité de chacune des branches Anne Marie y mettait de petites bougies en cire de couleur bleu pâle. Le soir de Noël, mon père allumait ces bougies et on chantait 'Mon beau Sapin, roi des forêts....' Il y avait aussi le repas aux chandelles où l'on servait des huîtres aux formes étranges, la dinde énorme toute dorée avec ses marrons baignant dans la sauce du volatil. La nappe brodée, la vaisselle 'Moustier', les verres en cristal, les chaises Louis XIII 'Os de mouton' dont on retirait les housses faisant apparaître de magnifiques tapisseries. C'était pour moi un véritable émerveillement devant tant de richesses que je n'avais pas l'habitude de voir. Enfin il y avait cette fameuse tradition des treize desserts typiquement provençale. Je me souviens encore de ce que disait la mère de Marc et Anne à propos des dattes. Pourquoi y a-t-il la lettre 'O' sur les noyaux me demandait-elle avec malice? Je restais perplexe devant une telle énigme. Alors elle m'expliqua que Jésus s'étant endormi sous les palmiers dans les bras de la vierge Marie, en se réveillant il se serait exclamé en voyant les dattes: 'Oh!'. C'est donc depuis ce début de l'ère chrétienne que les noyaux de dattes portent la lettre 'O' disait elle avec humour. C'est le meilleur souvenir que 'La Dynastie de L'Obscur' ait pu me laisser.
Datouna:

En Décembre 1951 alors que je montais à Tallard pour y passer les fêtes de Noël, je fis la connaissance de Datouna. C'était un Georgien que mon père avait invité. Anne Marie lui avait installé sa chambre dans le boudoir qui était une petite pièce concomitante à la salle à manger qui devint quelques années plus tard celle de la Dynastie Georgienne. J'ai le souvenir d'un homme très gentil, avec qui je passais des après midi entières à ses côtés. Que pouvait-il me raconter? Je ne m'en souviens plus mais je conserve ce souvenir d'un homme qui prenait le temps de me parler de m'écouter. Plusieurs années après, j'appris qu'il était le frère D'Atchico le mari de Nathela, cette femme dont je fis connaissance en Mai 1956 alors que j'étais encore pensionnaire à Notre Dame du Laus. En Octobre 2008, j'appris par ma soeur Anne venue d'Ottawa que 'Louis Le Magnifique' fut l'amant de Nathela depuis le début des années cinquante. Selon ses propos, Catherine, la troisième fille de Nathela pouvait être notre demi-soeur. Mais à la réflexion cette hypothèse est à exclure. Au début des années soixante, je revis Datouna. Je devais avoir seize ans et bien que je n'avais pas revu 'Dat' depuis ce Noël 1951, je le reconnu immédiatement. Je me trouvais dans la rue devant la porte d'entrée, il me demanda où se trouvait mon père, Il semblait pressé. 'Louis Le Magnifique' étant parti voir ses malades, il ne pouvait attendre son retour. Il m'indiqua brièvement qu'il demeurait en République Fédérale d'Allemagne dont la capitale était Bonn. Il me précisa que je pouvais lui écrire à Düsseldorf sous le patronyme de Sanders. Ce fut la dernière fois que je le revis. En Décembre 2008, Ellico la fille aînée de Nathela me fit part que 'Dat' était décédé depuis une vingtaine d'années.

De même j'apprenais que son père, en retraite, Atchico avait également quitté Gap pour vivre à Ramatuelle juste au-dessus du golfe de Saint Tropez.

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