lundi 25 mai 2009

Pen Ar Bed : Dans le Sérail de L'Ennui


'C'est la seule photo dont je dispose de Janine. La voici lors de la fête des quadragénaires de Plouzévédé réunis un samedi soirà Pont Ar Barrès'
Nos vacances Cathare n’avaient pas été ce que j’avais souhaité. Ainsi tout au long du périple, j’avais ressenti une certaine lourdeur s’instaurer. Quelque chose changeait, le message que j’avais voulu transmettre n’avait pas été perçu comme je l’avais imaginé. Pourtant en ce début d’automne, marquant la reprise générale de l’activité, mes allées venues entre Brest et Poitiers reprirent leur rythme habituel. Il en fut ainsi jusqu’aux fêtes de fin d’année que je passais avec Marie Mich à Saint Benoît. Malgré mes retours réguliers en Poitou, je ressentais à nouveau un mal être qui allait crescendo. Il devenait nécessaire que je me fasse aider psychologiquement afin de me sortir du dilemme moral dans lequel j’étais plongé. En effet, Jacqueline revenait périodiquement me rendre visite dans mon petit appartement de la rue Jean Gosset. Le dualisme sévissait à nouveau, apportant chaque fois ses effets destructeurs.

Une démarche salvatrice :

Par conviction, j’avais toujours considéré les psychothérapies suspectes. Ou du moins j’avais repris à mon compte ce que pensait ‘Louis le Magnifique’ de la psychiatrie. Une science de l’âme qui restait incertaine et balbutiante. Pourtant, je ressentais confusément un besoin impérieux de consulter pour y recevoir des conseils afin de surmonter le mal qui me rongeait depuis de nombreuses années déjà. Je finissais par prendre contact avec l’hôpital Morvan qui me mit en relation avec le Professeur Kreiss. C’est ainsi que dans le courant de novembre 1987 je débutais mes premiers entretiens psychologiques. Pour que la démarche reste discrète Kreiss me recevait à ses consultations qu’il donnait, le mercredi matin, à la résidence DELCOURT-PONCHELET située dans la rue Jules Guesde à proximité de la rue Saint Marc. Je lui décrivais ‘The Glamorous Fifties’ qui m’avaient tant fait souffrir durant toute ma jeunesse et dont les séquelles restaient encore vives. L’isolement dans lequel je me trouvais dans cette terre bretonne que je vivais comme un exil. Une douleur morale qui était devenue insupportable. A chacune de ces séances, bien que j’en tirais un certain bien être, j’avais l’impression de me redire sans vraiment avancer sur ce mal qui me rongeait.
Plusieurs mois s’étaient écoulés sans que j’aborde la dualité dans laquelle je me débattais. Pour une raison qui m’échappe encore aujourd’hui, lors d’une séance qui se tenait en Janvier ou février 1988, je finissais par aborder mes allées et venues entre Brest-Poitiers pour aller voir Marie Mich ainsi que les visites en pointillé que me rendait Jacqueline. Le simple fait d’aborder ce sujet qui me hantait depuis plus d’un an, déclencha une sorte de flash. Cela m’apparut comme une évidente réalité : 'Pour mettre fin au dilemme, je devais rompre ces deux relations qui menaient nulle part'. Je venais de franchir un pas de géant qui me permis de mettre un terme définitif à une situation qui m’anéantissait chaque jour davantage.
La Rencontre :

Les entretiens psychologiques avec le Professeur Kreiss avaient soudain révélé une évidence que je me refusais à voir. Quelque part cette relation duale, qui imbriquait étroitement Marie Mich et Jacqueline, permettait de réaliser un équilibre susceptible de combler les vides de rejets anciens et qu’une seule personne ne pouvait satisfaire. La souffrance m’avait empêchée de faire un choix. Souvent Marie Mich ne disait-elle pas : une relation affective n’a pas pour objectif de combler des manques antérieurs. C’est dans cette nouvelle perspective que j’entrepris avec le concours du Pub Hebdo de redonner du sens à la vie.
Jeannine était divorcée depuis quelques années déjà. Elle occupait un poste d’attachée de direction au CHU-CHR Morvan au service des adjudications. C’est elle qui assurait l’instruction administrative des appels d’offres sous la responsabilité d’un ingénieur qui présentait les dossiers susceptibles d’être retenus par le conseil d’administration de l’hôpital. Sa fonction me paraissait austère et rébarbative. Elle avait obtenue ce poste lors de son stage qu’elle avait effectué dans le cadre du cursus d’un BTS passé quelques années auparavant. Par ailleurs le fait de travailler à ‘Morvan’, lui permettait de s’y rendre à pied. Jeannine n’avait, de ce fait, jamais été confrontée aux difficultés pour rechercher un emploi, ni aux contraintes de transport pour travailler. Par certains côté elle avait un mode de vie très réglé qui ne comportait aucune originalité de vie. C’est ce côté quelque peu ‘Kantien’ qui fut le fait générateur de l’ennui auquel j’allais bientôt être confronté.
Pourtant par son côté sérieux d’une part, et ne souhaitant plus avoir d’enfant d’autre part, firent que rien ne s’opposait à construire une relation nouvelle sur des bases solides, du moins c’est ce que je souhaitais. Le processus ‘Des Dynasties de Louis Le Magnifique’ exerça indiscutablement une influence profonde à vouloir valider une relation par l’institution du mariage. Une vie de couple pouvait être possible, mais la culture dans laquelle j’avais évoluée ne me permettait pas d’envisager une telle hypothèse .Au demeurant en surfant avec google sur le site du Ministère de la Justice, il est clairement stipulé:
’Le mariage est un acte public, juridique et solennel par lequel un homme et une femme s’engagent l’un envers l’autre dans la durée, devant et envers la société, pour fonder ensemble un foyer. En se mariant, les époux font ensemble une double démarche. Ils acceptent et reconnaissent l’institution du mariage et la loi commune qui la régit, mais en retour, ils demandent à la société de reconnaître l’existence et la valeur de leur engagement mutuel et de leur assurer la protection de la loi. Le mariage civil, qui n’est pas une simple formalité administrative, ne commence et ne s’achève pas le jour de la cérémonie.’.
C’est ce côté solennel et de reconnaissance par la société civile qui guida mon choix de l’époque.

Noces D’Automne :

Ce furent des noces discrètes qui se déroulèrent le Vendredi 23 Septembre 1988 à l’Hôtel de ville de Brest. Jeannine avait retenu cette date pour éviter que sa mère y assiste. En effet elle était partie en voyage d’agrément, avec le club du troisième âge de Berven, lequel avait été programmé depuis de longue date. Elle adopta d’ailleurs la même ligne de conduite vis-à-vis de ses anciennes camarades de collège qui ne prirent connaissance de son remariage que plusieurs mois après. Cette situation n’alla pas sans poser quelques problèmes pour obtenir deux témoins comme l’exige la loi en pareille circonstance. Ce sont deux employés municipaux qui furent désignés par les services de l’état civil. Dans cette même logique, alors que la convention collective des hôpitaux lui accordait quatre jours de congés, dès le 26 Septembre Jeanine reprenait son travail. Par ailleurs elle s’opposa à se faire appeler par son nouveau nom marital. Cet ensemble de faits me paru suspect, je finissais par croire qu’elle avait quelque part honte de la décision que nous avions prises pourtant d’un commun accord. Cela ne laissait inaugurer rien de bon pour l’avenir.

L’Immuable Etiquette du Haut Léon :

Peu de temps après que nous ayons fait connaissance, Jeannine voulu me présenter à sa mère, la démarche me paraissait normale et naturelle. Mais très rapidement cela devint une habitude à laquelle au début je ne prêtais pas attention. Les semaines puis les mois s’écoulèrent selon un protocole immuable. Dès le samedi matin il fallait prendre notre repas de midi dès onze heures trente, afin de pouvoir rejoindre Berven à treize heures. Ma belle mère que nous dénommions ‘Mamie’ nous attendait pour prendre le café avant d’aller à Landivisiau où nous devions impérativement faire nos courses. Au préalable nous devions nous rendre dans la rue principale du bourg pour y faire du lèche vitrine. Nous rejoignions ensuite le supermarché où ‘Mamie’ prenait son chariot et nous le nôtre. Les courses achevées, nous retournions à Berven pour y prendre le rituel goûter du quatre heures. J’avais alors quartier libre jusqu’à dix huit heures trente, heure du souper. Entre temps Jeannine et sa mère se rendaient au rez de chaussée de la maison où se trouvait le garage et la buanderie. Ce temps, elles le consacraient à faire tourner une machine pour laver le linge que nous avions utilisé dans la semaine. De fait Jeannine n’avait jamais eu de sa vie une machine à laver le linge chez elle. C’était sa mère qui le lui lavait depuis son premier mariage avec un certain Maurice qui appartenait à la Police Judiciaire : la fameuse PJ. Venait alors le repas du soir qu’il fallait impérativement terminer à dix neuf heure afin de faire la vaisselle et que tout soit rangé pour l’émission télévisée de variété de vingt heures tente sur la ‘Une’. Lors des repas quand Jeannine avait la garde de son fils Philippe, une fois tous les quinze jours, c’étaient d’inévitables affrontements entre ‘La Mamie, le petit fils et la mère’. Immanquablement la discussion s’achevait par la sentence :’Philippe tu es déshérité disait la grand-mère en gémissant !’. Parfois j’intervenais pour tenter de mettre fin à ces querelles enfantines et mesquines. Mais rien n’y faisait. Le Dimanche subissait la même rigueur dans son déroulement. Fatigué par les semaines harassantes que m’imposait mes fonctions à la ‘Fédé’, il m’arrivait fréquemment de faire la grasse matinée jusqu’à dix ou onze heures. Etrangement aucune remarque ne m’était faîte. Au contraire bien souvent ‘Mamie’ me taquinait gentiment. Mon ancienne belle mère n’avait pas de grandes aptitudes en matière culinaire, mais elle faisait figure de ‘fin cordon bleu’ au regard de sa fille. De fait les repas de week end en week end se succédaient avec une étonnante monotonie. Je n’y attachais pas grande importance, et souvent nous arrivions à échanger de façon constructive et positive. Manifestement il y eu des moments de joies simples qui furent des instants de véritable bonheur, même si quelque part l’ennui commençait insidieusement à s’installer.
Le repas achevé, Jeannine allait chercher le linge qui avait été étendu dans le jardin pour qu’il puisse être repassé avant notre retour à Brest. C’est elle qui assurait ces longues séances domestiques qui s’achevaient souvent en milieu d’après midi. C’était alors les préparatifs du retour. Le bidon de soupe préparé par Mamie qui devait faire la semaine, quelques légumes de saison que sa mère cultivait dans son coin potager . Puis le gouter qui marquait notre départ. Dès dix huit heures nous avions rejoint Brest, nous étions prêt pour aborder une nouvelle semaine qui ressemblait chaque fois plus à celle qui venait de s’écouler.
La Controverse de Plouzévédé :

La mère de Jeannine était une femme intelligente et courageuse. Bien que de culture différente, j’avais du respect pour cette femme qui avait élevé sa fille pratiquement seule. Son mari avait été Quartier Maître dans la Royale, ainsi durant de nombreuses années il fut affecté dans les territoires d’outre mer et plus particulièrement à Tahiti ne lui permettant de rejoindre que rarement la Bretagne. Il était originaire de Tréflaouenan une commune du haut Léon proche de Berven-Plouzévédé. Elle l’accompagna au début de sa carrière au Sénégal car Jeannine n’était pas encore née. Toutes deux me montrèrent à plusieurs reprises cette petite commune dont les racines sont constituées par le vocable ‘treb’ qui signifie village auquel on y associe ‘Saint Laouénan’ un disciple de Saint Pol Aurélien. Les aléas de la vie voulurent qu’elle se retrouve, rapidement, veuve. Son mari étant subitement décédé à l’âge de soixante ans d’une rupture d’anévrisme la condamnant à vivre une longue retraite de solitude.
‘Mamie’ fut une belle mère qui rechercha à plusieurs reprises à conforter notre couple. En raison de nos passés respectifs, elle comprenait qu’il n’était pas aisé de reconstruire une vie nouvelle dans de telles conditions. Jeannine qui aimait bien dépenser son argent dans les ‘fringues’ avait la fâcheuse manie de s’habiller de façon trop classique, alors que jusqu’à présent j’avais pris goût à ‘Infinitif ou Chackok’. Mais Jeannine ne semblait pas vouloir comprendre. ‘Didier’ je vais prendre les choses en main me dit-elle un jour. C’est ainsi qu’à l’occasion de la fête Saint Michel en septembre 1989, elle décida d’accompagner sa fille à Brest, dans le renouvellement de sa garde robe. Le soir alors que je rentrais de mon travail elle m’annonça triomphalement qu’elle était parvenue à lui faire modifier ses habitudes. Les trophées furent exhibés : incontestablement il y avait un mieux. ‘C’est bien Mamie’ répondis-je. Je revois encore un brin de malice poindre dans ses yeux. Sacré Mamie tout de même !
D’autrefois j’exprimais le souhait que l’on puisse recontacter certaines amies de Jeannine du temps où elle était en pension au Kreisker à Saint Pol de Léon. D’autant qu’elle évoquait d’elle même ces souvenirs de jeunesse. Mais c’était toujours le même immobilisme têtu qui finissait à faire enrager tout le monde. Ce ne fut qu’au terme d’un long siège que Jeannine finissait par capituler en recontactant son ancienne camarade qui était professeur de physique : Une certaine Thérèse me semble-t-il. C’est ainsi qu’une ébauche d’amis se mit en place, permettant parfois de faire une entorse à la sacro sainte venue dominicale à Berven.
De même qu’elle appuya également notre projet de faire construire un pavillon au 11 rue de la rue Charles Péguy. La chose fut assez aisée car c’était un terrain sur lequel Jeannine avait eu des visées d’acquisition du temps de son mariage avec Maurice le père de Philippe. Mais l’élément essentiel était qu’elle pouvait toujours se rendre à son lieu de travail sans utiliser la voiture. Personnellement j’aurais fais un autre choix, mais je dus me contenter de celui-ci. Un éloignement trop important aurait été un vice rédhibitoire.
C’est également sur une initiative de ma belle mère que Jeannine accepta de partir en vacances à l’étranger. C’est ainsi, qu’en Août 1991, on fit un séjour en Turquie du côté de Bodrum durant une quinzaine de jours. De même qu’au printemps 1992, on alla passer une dizaine de jours au Maroc avec son amie Thérèse et son mari qui nous proposèrent de les accompagner. Cette initiative nous permit de visiter Marrakech et d’effectuer un long périple dans les villes du sud Marocain avec Taroudant, Ouarzazate l’Hollywood du sud, la célèbre vallée du Drâa dont les eaux du fleuve disparaissent dans le sable du désert avant d’atteindre Agadir. Cette ville, aux confins du royaume Alawite, qui fut détruite par un terrible tremblement de terre au début des années soixante.
Mais malgré tous les efforts de mon ex Belle mère, je sentais de plus en plus l’ennui me gagner. J’étouffais littéralement dans cette vie qui manquait d’originalité. Dans un premier temps j’avais refusé de partir dès le samedi à midi pour Berven. Ce n’est que le lendemain que je m’y rendais pour que nous puissions déjeuner ensemble. A plusieurs reprises les repas furent le théâtre de discussions houleuses, de façon inéluctable je sentais la nécessité d’une séparation.
Le facteur déclencheur fut le décès subit de ‘Louis Le Magnifique’ en septembre de l’année 1992. ‘Mamie’ me demanda de la rencontrer à Berven pour parer à l’inévitable. La démarche était sincère et c’est avec un certain serrement au cœur que je dus lui dire que ma décision était malheureusement prise. C’était la dernière fois que je me rendis à Berven.
Dans les semaines qui suivirent je quittais la rue Charles Péguy pour aller m’installer dans un petit appartement que j’avais pu louer dans une nouvelle résidence dans le quartier de la Croix-rouge Kérinou. C’était en Novembre de cette sombre année.

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