mercredi 15 avril 2009

Le Macrocosme: Embarquement pour le Hadès





Le Centurion Del Djem fétant son quatrième anniversaire chez ses grands parents à Draveil en 1979.





Le départ d’Alessandria Platz en Juin 1972 pour Grigny marqua le début du Hadès dans lequel Copernic s’enlisa inexorablement.
Cette période dramatique est marquée par des étapes successives qui le mèneront tour à tour de Grigny à saint Maur des Fossés.
Cette époque fut marquée par les weeks end à Draveil qui furent dominés par le beau père de Danièle un certain André Schmidt. Lequel s’était marié avec sa mère une certaine Sylviane Régnier qui venait de divorcer d’un sieur Coquet Garde du corps d’un certain Maurice Thorès au parti communiste.
L’année 1975 fut déterminante pour l’homme oublié qui voit ses espoirs récompensés puisque Danièle devenue sa femme en Mars 1974, lui apporte le fils qu’il espérait tant : ‘Le Centurion Del Djem’.
S’en suivra alors une période de calme relatif qui les mena de Rimini à Matmata jusqu’aux portes du désert saharien.
Mais un évènement majeur viendra bouleverser cette apparente stabilité affective. Sousse La Douce marque les préliminaires d’un drame or du commun, ils marqueront les derniers jours de la vie commune sous le ciel Tunisien.
Septembre 1980 est marqué par la Fosse aux Serpents dans l’enfer de Ville Evrard où Copernic est lâchement jeté par celle qui lui avait donné ce fils si attendu. Il était, à ses yeux, le refondateur de la famille donnant alors une assise nouvelle au nom que ‘Louis Le Magnifique’ avait voulu donner en 1951 lorsque Le président René Coty par décret l’autorisait à se faire dénommer Louis ELBET.
Le Hadès s’acheva par un effondrement professionnel complet qui amena Copernic à perdre son emploi avec le long calvaire de Noisy Mont d’Est qui le mena par la suite à quitter définitivement la région parisienne.
Dans les méandres du macrocosme :

Le samedi 3 Juin 1972, je me rendis une dernière fois au 7 Place Alessandria Platz, ce lieu qui fut notre point d’ancrage en région parisienne avec Mireille et les enfants. Une page se tournait définitivement. Je me souviens encore, c’était une belle matinée de printemps le soleil donnait presque un air de fête à cet appartement dans lequel nous avions vécu près d’un an et demi. Je venais y chercher quelques affaires m’appartenant que je chargeais dans une petite camionnette de location pour aller les installer dans un studio que j’avais pu louer avec Danièle dans un immeuble de Grigny II. Le studio se situait dans un ensemble qui venait d’être réalisé par le grand promoteur parisien un certain ‘Bouygues’, non loin de la grande borne qui avait été réalisée quelques années auparavant pour y accueillir les habitants du treizième arrondissement de la Capitale qui était en pleine restructuration. Grigny était connue pour son développement qui connaissait une progression exponentielle puisque de quelques 2500 habitants, la commune avait atteint plus de 25000 habitants en moins de dix ans. Mais Grigny qui se situe à 25 kilomètres au sud est de Paris dans l’Essonne, ne possédait pas encore à l’époque le fameux RER. Nous avions plus d’une heure de transport pour nous rendre à notre lieu de travail de la rue de Gramont. Ainsi, nous devions prendre un bus qui nous menait en gare de Viry Châtillon pour y prendre un train de banlieue nous amenant jusqu’à la gare d’Austerlitz. Puis, nous avions une dizaine de minutes de marche à pied pour rejoindre la ligne de Métro et descendre à la station de Richelieu Drouot. C’était quotidiennement une véritable expédition. Dès notre installation dans ce nouveau logement qui était doté d’une simple kitchenette avec une plaque de cuisson électrique à deux feux, nous faisions plus du camping amélioré qu’autre chose. Très rapidement, je sentis la tristesse m’envahir. La présence de Karine et Myriam me manquait terriblement. Le réconfort de Danièle n’y faisait rien, j’étais désemparé. Souvent le week end, pour tenter de me distraire elle me préparait un pique nique pour aller nous promener en forêt de Sénart. L’oxygène, les senteurs de la terre me faisaient du bien. Après de longues heures de marche je parvenais à me détendre un peu pour affronter une nouvelle semaine de travail à la FNCA. Peu à peu je parvenais à retrouver un équilibre précaire. Le mari de sa mère un certain dénommé André SCHMIDT finissait par accepter de nous recevoir à son domicile de Draveil à la Résidence de L’Orée de Sénart où sa mère assurait la gestion administrative du syndic de copropriété. En effet ce dernier accusait Danièle d’être partie avec un homme marié et de surcroît père de deux enfants. La première rencontre fut de part et d’autre quelque peu distante. Mais peu à peu les relations se régularisèrent pour devenir normales dans les semaines qui suivirent. C’est ainsi que je faisais connaissance de sa tante Jacqueline Gardes dont le mari un certain René était vendeur de machines à laver au printemps ou aux Galeries Lafayette. Jacqueline était l’antithèse de sa sœur : enjouée drôle et toujours pleine d’entrain. De part sa tante, Danièle avait un cousin Marc avec lequel on sympathisa rapidement. Marc Gardes, son cousin germain jouait un peu le rôle de grand frère qui lui avait toujours manqué. Souvent on se retrouvait tous à pique niquer en forêt de Sénart, la vie reprenait un peu de sens.
Dans les mois qui suivirent, le trajet Grigny-Paris-Grigny se faisait de plus en plus lourd. Les deux heures de trajet quotidien devenaient exténuantes en raison des obligations professionnelles qui me faisaient quitter le bureau assez tard en soirée. La nécessité de se rapprocher de la capitale devenait un impératif prioritaire. C’est sur les conseils de Jacqueline qui habitait à Champigny que l’on décida de faire des recherches à Saint Maur des Fossés qui se trouvait sur la ligne A du RER qui allait jusqu’à Boissy Saint Léger. Cette dernière est devenue la ligne A2 lors de l’ouverture en 1981, du tronçon A4 qui se dirige sur Torcy à la pointe extrême de Marne la Vallée. Nos recherches, nous permirent de trouver un bel appartement de type F2 en rez de chaussée d’une résidence calme de l’avenue Emile Zola. Saint Maur des Fossés constituait déjà à cette époque une zone résidentielle très recherchée en raison de sa proximité avec la capitale. De fait avec la ligne du RER nous n’étions plus qu’à un quart d’heure de la station Auber, nous permettant d’accéder directement au métro Opéra. C’était un réel progrès qui permettait de réduire de façon très conséquente la durée quotidienne de nos transports. Je me souviens c’était l’époque où Julien Clerc avait repris ce succès de Hair :’Let the Sun shine’. Sur un autre plan c’était une période douloureuse qui fut marquée par la procédure en divorce dont le jugement fut rendu le 16 juillet 1973 par le tribunal de Pontoise aux tords et griefs réciproques. De fait une page de ma vie venait de se tourner laissant Karine et Myriam privées du père dont elles auraient eu tant besoin. Mais Danièle marquait l’évènement avec soulagement, puisque dorénavant plus aucun obstacle se dressait pour envisager notre mariage.

Une Noce très Œcuménique :
Dans le chapitre AQUAE SEXTIUS : A la rencontre du destin , je décrivais dans le paragraphe du côté de la Rotonde , les raisons pour lesquelles le mariage avec Mireille n’avait été qu’un mariage laïc. Dans ces conditions, rien ne s’opposait selon la morale chrétienne bien intentionnée que cette deuxième noce soit célébrée devant le Seigneur de notre très sainte Eglise évangélique et apostolique ! Mais au fond de moi-même je trouvais cela profondément immoral. Danièle ne pouvait qu’être satisfaite de pouvoir se marier à l’église, mais cela me renvoyait aux dynasties de ‘Louis le Magnifique’. Celle de ‘L’Ephémère’ dont le mariage fut annulé par les ordonnances du 10 Février et 13 Juillet 1950 par les évêchés de Marseille et Aix permettant à ‘La dynastie de l’obscur’ de devenir chrétienne deux ans après l’office civil. A mon tour sans répéter l’infamie du mariage putatif développé par le droit canon, j’allais utiliser son hypocrisie pour me marier religieusement en deuxième noce. Durant notre période de retraite à la paroisse de Draveil je posais malicieusement la question au prêtre d’origine vietnamienne qui fit semblant de ne pas comprendre pour éluder une question gênante. Le 2 Mars 1974 le mariage fut célébré en la paroisse de Draveil, mais cette hypocrisie intellectuelle nous faisait entrer irrémédiablement dans le Hadès pour s’achever dans la terrible quête de Pen Ar Bed, celle du châtiment.

Draveil on the Rock :

La plupart de nos week end nous allions les passer chez les parents de Danièle qui habitaient encore à la résidence de ‘L’Orée de Sénart’. Souvent les ‘Gardes’ participaient à ces longs repas dominicaux avec la participation d’Antonin Régnier. C’était l’occasion pour le grand père de Danièle de retrouver ses filles Sylviane, ma belle mère, et Jacqueline qu’il avait perdu de vue durant de nombreuses années. En ces occasions André Schmidt aimait porter en dérision son cousin germain un certain dénommé Gérard Thomann qui était diplômé de HEC et occupant, selon ses propos, le poste de Secrétaire général chez le premier fournisseur d’armes de l’armée Française. Pour se valoriser et après plusieurs ‘pastagas’ il se déclarait quant à lui diplômé ‘D’HLM Sup’. Pauvre ‘Dédé’ tu ne croyais pas si bien dire. Ainsi les dimanches s’écoulaient autour d’une table que l’on quittait en fin d’après midi pour recommencer dès vingt heures. Souvent le week end suivant, le même cérémonial se renouvelait chez sa tante Jacqueline. Ainsi s’était institué une sorte de compétition entre ‘Dédé’ mon beau père et Jacqueline dont les seuls centres d’intérêts étaient les goinfreries comme celles du film ‘La grande Bouffe’ avec Michel Piccoli et Andréa Ferréol.
Au gré de ces interminables repas je finissais par apprendre qu’Antonin Régnier était originaire de Sète et qu’il travaillait à l’ORTF en tant que technicien de plateau. Ainsi Danièle avait du côté de sa branche maternelle des racines méditerranéennes se plaçant de l’autre côté de l’étang de Thau face à Mèze là où ma grand-mère ‘Odile Bourdiol’ était née au début du siècle dernier. Antonin Régnier disparaissait prématurément à l’âge de 61 ans d’une cirrhose du foie juste un an après la naissance de son arrière petit fils le Centurion Del Djem.
‘Dédé’, comme mon beau père aimait que nous l’appelions, était d’origine alsacienne. A l’époque où je fis sa connaissance, il occupait un poste d’attaché technico commercial dans la célèbre entreprise alsacienne de Baumgarten et compagnie implantée dans la zone industrielle de Strasbourg Meinau : Baco. L’entreprise, qui rejoignit le groupe Legrand en 1992, occupait déjà dans les années soixante dix une position de leader sur le marché des disjoncteurs et les commutateurs à cames PR. Manifestement, avec son ‘bagou’ André Schmidt avait des talents de commercial. Baco lui avait confié la région de l’Orléanais pour démarcher les entreprises de distribution des matériels électriques pour le vaste marché de la construction immobilière. A cette époque de forte croissance de ce secteur, les grossistes qui diffusaient les produits Baco avaient le vent en poupe. Mon beau père bénéficia de ce courant porteur qui le mena à entrer au Lions’ Club pour conforter ses positions commeciales auprès des grossistes. Ce fut l’ère que je dénomme de’ Mercantilisme Social’. Ainsi que ce soit Le Lions’ Club ou le Rotary, ces mouvements associatifs internationaux qui affichent officiellement une vocation sociale sont en fait des sortes d’amicales pour préserver ‘les prés carrés’. André Schmidt n’avait pas conscience de cela, mais je dois dire qu’à notre égard il se montra généreux en nous invitant à plusieurs reprises à certaines soirées du Lions’ Club de Draveil. Soirées durant lesquelles robes de soirées et smoking étaient de rigueur : action sociale oblige !
Le Centurion Del Djem :

L’été 1974 fut marqué par notre séjour aux Baléares qui constituait notre voyage de noce. Nous avions réservé dans un hôtel trois étoiles à El Arenal après l’hôtel Playa. Ces trois semaines de farniente furent consacrées à visiter l’île. Valldemossa avec son célèbre monastère de la Cartuja. La maison de Georges Sand et Fréderic Chopin ou encore du poète Nicaraguayen Ruben Dario qui s’y rendit pour suivre une cure de désintoxication. Et plus récemment avec Michael-Douglas qui en a fait son lieu de villégiature préféré. Les impressionnantes grottes du ‘Drach’ qui se trouvent en dessous du fond de la mer. Je me souviens aussi du petit train de puerto de Soller. Ou encore le site magnifique du Cap de Formentor qui rivalise dignement avec les calanques de Sormiou et Morgiou près de l’antique cité phocéenne. D’autres excursions nous menèrent également à Pollensa et jusqu’aux tanneries de Manacor. Ainsi l’ile de Mallorca qui connu des invasions successives de Justinien au 6ème siècle en passant par l’Emir Omeyyade d’Espagne en 903 puis avec les Almohades au Treizième siècle firent de cette ile au passé prestigieux ce lieu de villégiature tant apprécié par les hordes européennes. Malgré ce temps de détente, la providence n’avait pas permis à Danièle de se retrouver enceinte comme elle l’avait souhaité. L’automne avançait à vive allure sans que la grossesse puisse être annoncée. Peu à peu Danièle se faisait de plus en plus exigeante, il y avait un peu d ‘obsession dans son attitude. Sans m’en rendre compte je devenais homme objet. Ce n’est que dans le courant du mois de Novembre 1974 soit sept mois après notre mariage que Danièle m’annonçait qu’elle était enceinte. Cette heureuse nouvelle fut reçue avec soulagement car j’avais appréhendé d’être à la source des difficultés rencontrées à concevoir cet enfant qui allait bientôt naitre. En fait le stress de Danièle, sa crainte de ne pouvoir avoir d’enfant y avait largement contribué. En effet Danièle m’avait souvent parlé qu’elle avait été l’objet, dans sa petite enfance, de fréquentes convulsions.
Pour ma part, je souhaitais que cette grossesse donne naissance à un fils. Celle-ci devait selon toute vraisemblance avoir lieu dans le courant de l’été. Dans ces conditions, il n’était pas question de partir en vacances à l’étranger. De fait je demandais à mon employeur de prendre mes congés en juillet 1975. Par l’entremise d’un cousin de ‘Dédé’, celui-ci mis à notre disposition un chalet qu’il avait à Marmoutier non loin de Strasbourg. Cette ville que j’avais connue durant l’année universitaire 1967-68 avec Mireille pour y suivre ma deuxième année de Sciences Economiques. En cet été 1975, ma sœur Anne y préparait un Doctorat d’Etat sur l’aménagement du territoire à la faculté de droit de Strasbourg. Ce fut pour moi l’occasion d’inviter ma sœur à passer un Dimanche avec nous dans ce chalet alsacien. Je n’avais plus revue ma sœur depuis 1969 date à laquelle elle était venue me voir à la Résidence du Lycée à Marseille et qui se trouve sur la photo avec Karine et Myriam au chapitre libellé :’Le supplice de Sisyphe’. C’était aussi une façon de présenter Danièle à la famille dont la diaspora ne facilitait guère les rencontres avec la sienne. Dans les jours qui suivirent Danièle fut prise d’un malaise qui semblait lui paralyser les jambes. J’eu les plus grandes peines du monde à l’aliter et elle sombra dans un sommeil anormalement profond dont elle sorti que le lendemain matin. Cette alerte préoccupante pour le fœtus fit que l’on décida de rejoindre Saint Maur des Fossés au nouvel appartement que nous venions de louer à l’avenue du Général Leclerc dans la perspective de l’agrandissement de notre famille.
Le mois de Juillet s’acheva sans autre incident, si ce n’est que le gynécologue annonça que la naissance devait se faire obligatoirement sous césarienne. En effet le cliché radiologique montrait sans aucune ambigüité une naissance par siège. Le retournement de l’enfant était à exclure en raison de la largeur du bassin de Danièle. Par ailleurs un examen attentif du cliché semblait supposer la naissance prochaine d’un garçon. Le mois d’Août n’en finissait pas de s’étirer en longueur et souvent on se retrouvait Danièle et moi avec ses parents dans leur jardin d’une villa qu’ils venaient de faire construire dans un quartier calme de Draveil non loin de la forêt de Sénart. Le vingt cinq Août 1975, en début de matinée je menais Danièle en clinique dont la césarienne avait été programmée. Le gynécologue me fit comprendre que ma présence n’était pas souhaitée et que je serais prévenu dès que l’opération serait achevée. Pour patienter mes beaux parents m’invitèrent à déjeuner chez eux. C’était une journée magnifique de fin d’été que l’on passa à attendre dans le jardin. Ce n’est qu’en fin d’après midi que la clinique téléphonait chez André Schmidt pour annoncer la nouvelle. C’était un garçon : ‘Le Centurion Del Djem’ venait de faire son entrée dans le monde. L’excitation était à son comble, je rejoignais en toute hâte la clinique pour voir Danièle et l’enfant. Je ne fus accepté de rester que quelques minutes, la césarienne l’avait durement éprouvée quant à mon fils ne pesant que 2800 grammes il avait été mis temporairement en couveuse sous oxygène mais tout danger était écarté. Ce soir là le champagne coula à flot chez les Schmidt.
De Rimini à Matmata :

L’été 1972 fut marqué par la rencontre de Danièle avec mes filles. Malgré notre instance en divorce, Mireille avait accepté que je prenne Karine et Myriam une quinzaine de jours avec moi pour les premières vacances d’été vécues séparément. De par mes fonctions à la FNCA, L’AG2R un important organisme de retraite hybride relevant à la fois du système AGIRC et ARRCO et dont j’étais administrateur en tant représentant du collège des cadres, pouvait mettre à ma disposition une suite dans un ancien palace de Menton. L’Hôtel en bordure de mer, avait été transformé en lieu de villégiature pour ses ressortissants. C’était une opportunité de pouvoir passer de très belles vacances sur la Côte d’Azur en un lieu réservé à quelques rares privilégiés et pour un prix dérisoire. Malgré ce cadre féerique la rencontre fut houleuse. Karine et Myriam témoignaient une franche hostilité à Danièle qu’elles considéraient comme une voleuse de mari. Danièle pris mal la chose et ne comprenait pas que les enfants subissaient la pression de Mireille. Ce fut une épreuve douloureuse car je mesurais subitement que je ne pourrais jamais réaliser ce que ‘Louis Le Magnifique’ et Nathela avaient pu concrétiser en réunissant les deux fratries des ‘Elbet-De Panaskhet’ dans les années sixties.
De fait, ce premier été de séparation marqua un clivage définitif me faisant perdre tout espoir de prendre mes filles aux périodes de vacances avec Danièle et de leur demi-frère ‘Le Centurion Del Djem’ qui allait naître trois ans plus tard. Toutes les vacances qui s’en suivirent jusqu’en 1980 furent prises sans mes filles, m’obligeant de fait à me rendre en Avignon chaque fin d’été durant la première quinzaine du mois de septembre pour passer quelques jours avec elles au domicile de Mireille qui me faisait dormir dans la chambre de Myriam. Danièle prenait souvent ombrage des quelques libéralités que je pouvais donner à mes filles en ces rares occasions. C’est ainsi qu’elle me reprocha en septembre 1980 d’avoir acheté une mobylette à ma fille ainée pour lui permettre de rentrer chez elle pour le déjeuner car la nourriture de la cantine scolaire lui provoquait des dérangements intestinaux, une fragilité familiale venant du patrimoine héréditaire de ma grand-mère Odile Bourdiol. Elle exigea que je consacre le même montant de dépense pour le Noël 1980 du ‘Centurion Del Djem’. C’était budgétairement impossible.
Deux ans s’étaient écoulés depuis notre voyage à l’île de Majorque. Olivier en cet été 1976 allait bientôt fêter son premier anniversaire. Sur proposition de sa marraine, cette dernière mettait gracieusement à notre disposition un appartement que ses parents avaient acheté dans la banlieue de Valencia. Cette métropole castillane, renommée pour ses juteuses ‘fallas’, fondée en 138 avant jésus christ par le Consul Romain Decimus Junius Brutus Callaicus au bord du fleuve de la Turia. Pour nous y rendre, nous avions plus de 1800 kilomètres à franchir, dans ces conditions il fut convenu que nous ferions une halte à Mèze pour saluer mon cousin Yanick Soriano qui venait autrefois rue Adolphe Thiers au début des années fifties avec sa mère Christiane la nièce de Mémé. De même c’était l’occasion de rendre visite à ‘Louis Le Magnifique’ qui avait définitivement fui Tallard pour mettre en échec ‘La Dynastie Malcorienne’.Vous savez cette dynastie que je décris à l’article 23 au paragraphe : ‘Loupian’. Après plus de quinze heures de route sur les autoroutes du soleil qui avaient connus cette année là un embouteillage monstrueux, on arriva à Mèze en début d’après midi. ‘Le Centurion Del Djem’ échappait de peu à une déshydratation due aux assauts du soleil que nous subissions depuis la capitale des Gaules que nous avions tout juste dépassée à six heure du matin alors que nous avions quitté Saint Maur des Fossés dès vingt et une heure la veille au soir. Cette halte me permis de dormir un peu jusqu’à la tombée de la nuit pour reprendre la route en direction de la Castille. Ce trajet de nuit, dont une grande partie entre Barcelona et Valencia était effectué sur l’ancienne route nationale, fut long et éprouvant. Les faubourgs de Valence furent atteints vers sept heures du matin. On parvient non sans difficultés à trouver où se situait ce fameux appartement qui était en pleine banlieue de Valence au bord de la Turia qui servait en cet endroit de dépotoir sauvage. C’était ‘cauchemardesque’. Dans ces conditions, il ne pouvait être question de passer des vacances dans un tel lieu. Je décidais de dormir un peu avant de reprendre la route pour retourner à Mèze et demander à Christiane si elle ne pouvait pas nous prêter un pied à terre dans la maison de Loupian cette petite commune construite en bordure de la ’Via Domitia’ . Cette maison où elle avait fait entreposer les meubles de ‘Louis Le Magnifique’ depuis le déménagement de Tallard. On passa ainsi une grande partie de la journée sur les autoroutes espagnoles et ce n’est que tardivement en soirée que l’on pu rejoindre le pays de ma grand-mère Bourdiol. Cet été 1976 fut ainsi passé au pays de ‘Mémé’ à Loupian tout près de la maison où résidait ‘Louis Le Magnifique’. Ce n’était certes pas glorieux, mais nos vacances furent sauvées grâce à notre cousine germaine Christiane Soriano que Mémé aimait tant.
L’été suivant, les hasards des promotions pratiquées par les ‘Tours opérateurs’, firent que l’on pût réserver à l’Hôtel IFA qui se trouvait à trois cent mètres de la plage du Fenals à Lloret de Mar. Ainsi nos vacances en cet été 1977 se déroulèrent dans cette charmante station balnéaire qui se situe entre Tossa de Mare et Blanes dans la partie la plus méridionale de la Costa Brava. Lloret fondée par les romains sous le nom de Laretum signifie la forêt des Lauriers, lesquels constituent encore aujourd’hui la principale végétation bordant les multiples avenues qui se sont développées autour du cœur historique de la ville. C’est sur cette plage du Fenals qu’Olivier eut ses premiers contacts avec ‘La grande Bleu’. C’est encore là que j’avais pris une photo où il est au volant d’un magnifique hors bord de compétition jaune qu’un touriste allemand avait laissé sur la plage. Ce souvenir fut détruit plusieurs années après, lors de la terrible quête de Pen Ar Bed. C’est dans cet hôtel IFA où l’on fit la connaissance d’un couple qui avait pris en sympathie ‘Le Centurion Del Djem’ et qui nous recommanda de réserver dans un hôtel on bordure de mer sur L’Adriatique où Olivier pourrait se rendre sur la plage sans danger puisque celle-ci était en relation directe avec les salons de l’Hôtel. Un lieu rêvé de villégiature selon leurs propos.
Ainsi en Août 1978 après avoir traversé une grande partie de l’Italie on se retrouva dans cet hôtel isolé en bordure d’une immense plage de sable fin sur l’adriatique à quelques deux cents kilomètres au sud de Rimini à proximité de Pesaro. L’Hôtel était confortable, bénéficiant d’un décor chaleureux et au couvert irréprochable. Mais ce cadre à l’aspect paradisiaque masquait une formidable lacune. A l’arrière de l’hôtel se trouvait la ligne de chemin de fer reliant Milan –bologne pour rejoindre le sud jusqu’à Bari. Cette importante voie ferroviaire sur laquelle passaient des trains de marchandises toutes les demi-heures rendait impossible tout sommeil paisible. Deux jours après notre arrivée et ne pouvant bénéficier de nuits calmes, on prit congés de l’hôtelier qui ne fit aucune difficulté à nous rembourser l’avance que nous avions faîte pour notre séjour. Les hasards de nos recherches nous permirent de trouver un hôtel en plein centre de Rimini. Nous étions à cent mètres de ces immenses plages où l’on entendait à longueur de journée la voie nasillarde des hauts parleurs :’Attentionne prego, unau bambino….’. C’était pour informer les parents imprudents que leur enfant perdu dans l’immensité de ces plages avait été retrouvé. On retrouva alors notre goût à visiter la région comme nous l’avions fait lors de nos vacances à Majorque. C’est ainsi qu’on se rendit à Venise, mais aussi à Florence avec cette campagne italienne qui évoque déjà en elle la musique des quatre saisons de Vivaldi. Lors de nos différents périples on découvrit au hasard de nos ballades Gubbio l’une des villes la plus antique de l’Ombrie. La ville adossée aux versants du Mont Igino, y recèle des monuments témoignant d’un passé prestigieux. On visita plus particulièrement la célèbre Basilique de Saint Ubaldo et on ramena en souvenir des assiettes décorées à ses armoiries médiévales.
Notre dernier voyage fut marqué par notre séjour en Tunisie à Sousse la douce en Août 1980. Mais déjà je savais que notre relation était condamnée depuis la fausse couche dont elle avait été l’objet l’automne précédent. En effet les convulsions lors de sa petite enfance étaient en réalité la manifestation d’un état épileptique nécessitant sa mise sous alepsal dès l’automne 1979. C’est à l’occasion d’une de ces crises alors que j’étais en déplacement professionnel à Marseille qu’elle dût être hospitalisée pour y subir un curetage mettant subitement un terme à sa grossesse. Ce drame que Danièle avait subit marqua un tournant décisif pour notre couple. Pourtant le pays de l’illustre homme politique, Habib Bouguiba, fut visité de fond en comble. De Tunis avec son célèbre musé du Bardo en passant par Carthage la ville antique fondée par la célèbre reine Didon furent visités. Par ces ballades je voulais aussi communiquer à Danièle cette soif de connaissances sur l’histoire fabuleuse des peuples de la méditerranée où Rome en avait été le promoteur durant mille ans. Monastir où le premier président de la république Tunisienne y fit ériger son mausolée de son vivant, mais également la mosquée de Kairouan la troisième ville sainte où Danièle fut obligée de se déchausser et mettre un voile sur le visage. En passant par Sfax avec ses marchés, les arènes Del Djem où j’avais pris en photo Olivier donnant naissance à son alias. Cette frénésie d’histoire s’acheva dans les contreforts du Djebel Dabar au-delà de Gabès à Matmata. La fameuse ville berbère troglodyte, aux portes du désert. On déjeuna au célèbre hôtel de Sidi Driss qui servit de résidence principale au célèbre ‘Luke Skywalter’ le héros de ‘La guerre des étoiles’ du metteur en scène Georges Lucas.
La Fosse aux ‘Serpents’ :

En cet automne 1980, je voyais notre couple s’enfoncer dans une dérive qui paraissait irréversible et inéluctable. Dans ce contexte, dès mon retour de nos vacances tunisiennes, j’avais immédiatement recontacté ‘Sylvie ‘ que j’avais connue quelques mois auparavant par l’entremise d’un proche collaborateur travaillant avec moi à la rue Copernic : un certain ‘Freddy’. Celui que je désignais comme le quatrième Centurion de la garde Prétorienne comme il nous plaisait de le dire à l’époque en réplique ‘Aux trois Mousquetaires’ d’Alexandre Dumas. J’aborderai ultérieurement cette ‘Aventure Copernicienne’ dans l’article suivant. Ainsi, Danièle m’avait demandé de passer, au lendemain de sa fausse couche, quelques jours en Périgord là où demeurait la femme de ‘Freddy’. Tout cela nous précipita dans un véritable cauchemar qui déboucha sur l’enfer de ‘Ville Evrard’.
Le rythme de notre vie parisienne était scandé par le fameux rythme : Métro-Boulot-Dodo, avec les sempiternelles corvées de fin de semaine. Ainsi le samedi matin alors que Danièle allait faire les courses pour reconstituer nos réserves, j’étais quant à moi chargé d’effectuer les tâches ménagères pour entretenir notre logement. Nous habitions à cette époque un appartement dont on s’était porté acquéreur quelques mois auparavant au 6 Allée des Hautes fleurs à Noisy Le Grand à proximité De la future station du RER qui devait rejoindre Torcy. Vous savez, la dernière commune de l’extrémité est de Marne la vallée avec le futur espace D’euro Disneyland. C’est ainsi que je découvrais qu’elle se rendait coupable d’adultère dans la chambre conjugale qui jouxtait celle d’olivier. Ainsi si ma culpabilité vis-à-vis de Sylvie se trouvait atténuée, cela me fit un choc de constater qu’elle n’hésitait pas de faire venir son amant au domicile conjugal lors de mes déplacements professionnels. Je décidais de ne rien dire, pour mesurer son degré de perfidie vis-à-vis de notre fils. Je constatais des changements imperceptibles. Elle écoutait de nouvelles cassettes musicales dont je ne connaissais pas les titres, ou chantonnait sans cesse le refrain de ce film de Claude Pinoteau qui fit tant fureur à l’époque ‘La Boum’ interprétée par Sophie Marceau. J’avais le sentiment que Danièle vivait avec retardement son adolescence. Ce comportement me paraissait grave pour une femme ayant à charge un enfant qui avait déjà plus de quatre ans.
Dans ce contexte, je finissais par me résoudre à affronter la réalité et avoir une franche discussion avec ma femme afin de mettre fin à ce désastre. De mon côté je me sentais prêt à mettre un terme à ma relation adultère avec ‘Sylvie’ dont j’étais l’ainé d’une quinzaine d’années. Ainsi, un soir de septembre ou d’octobre 1980 je demandais à Danièle que l’on ait une discussion sérieuse après le repas du soir et que nous ayons couché Olivier. Il devait être 20h30 lorsqu’on se retrouva en face à face dans la cuisine pour aborder cet instant de vérité. Danièle m’écouta tranquillement et après avoir dit ce qu’il était de mon devoir à dire, elle m’annonça froidement que cela ne la gênait nullement d’avoir des relations sexuelles avec deux hommes. Pour elle, il importait que je ne rentre pas le soir ou son amant un dénommé ‘Christian’ se rendait au domicile conjugal pour la bonne cause. De son côté elle souhaitait que cette situation perdure le plus longtemps possible. Qu’elle continuerait de venir avec moi en vacances et qu’ainsi Olivier conserverait la présence de ses parents. La seule condition qu’elle posait, était que je taise la vérité à ses parents : ‘Les Schmidt’ de Draveil ! Une telle déclaration me laissa complètement abasourdi et je restai sans réponse devant une telle monstruosité.
Au terme de cette discussion, Danièle rejoignit notre chambre. Je restais dans la cuisine à méditer cette incroyable déclaration qui allait à l’encontre des préceptes moraux que j’avais pu recevoir jusqu’ici. Je me trouvais alors attiré par un vide irrésistible qui me poussait à accomplir un geste désespéré. J’allais au salon m’y servir un plein verre de whisky pour accompagner l’ingurgitation d’un tube complet d’anaphranyl. Un anxiolytique précurseur du Prozac, je pensais que ce mélange explosif mettrait un terme à ma vie. Après avoir avalé ce cocktail un peu particulier, je cachais le tube au fond de la poubelle afin qu’aucune relation puisse être faîte. Dans mon désarroi, je commettais l’erreur de rédiger une dernière lettre à Danièle dans la cuisine. Si cet acte avait été réalisé du salon, ma tentative de suicide aurait réussie car l’espace qui le séparait de notre chambre n’aurait pas permis à Danièle d’entendre les râlements que je dus émettre.
Vers six heures du matin, je me réveillais dans un hôpital général de banlieue avec une perfusion à mes bras. Je comprenais que ma ‘TDS’ avait échouée. En simple tenue de pyjama et sans chaussons, je parvenais à m’ôter tous ces tubes pour me rendre au bureau des infirmières. Ces dernières malgré ma demande et mon engagement à signer une décharge refusèrent et prétextèrent qu’il fallait que j’attente 9 heures. Devant tant d’obstination à me retenir en ces lieux, je pu quitter ce CHG de la banlieue est. Ainsi à l’heure où les banlieusards s’apprêtaient à rejoindre la capitale pour leur travail, je me retrouvais en bordure de route quelque part dans le macrocosme. Afin de ne pas alerter les gens qui pouvaient m’apercevoir, je décidais de faire du footing, car de loin ma tenue en cette heure matinale pouvait être assimilée à un survêtement. La seule lacune c’était l’absence de chaussures. La chance voulue qu’un automobiliste s’arrêta à mes premières tentatives d’autostop. En fait je me trouvais à huit kilomètres de Noisy. Ce brave automobiliste me déposa devant notre domicile sans poser la moindre question qui aurait pu me mettre mal à l’aise. A cette heure matinale, Danièle était déjà partie au Chatelet pour rejoindre la Chambre des Notaires où elle travaillait depuis plusieurs années au service des inspections. Le seul corps professionnel qui s’auto contrôlait. Une nouvelle étape restait à franchir : comment pénétrer dans l’appartement alors que je n’étais pas en possession des clefs. Je me souvins qu’à l’occasion du blindage de notre porte, l’installateur nous avez préconisé de confier un double au gardien de la copropriété en cas de perte. Ainsi, je me présentais à la conciergerie de la résidence pour réclamer notre double en invoquant qu’un courant d’air avait refermé par inadvertance notre porte alors que je mettais rendu au vide ordure qui se trouvait sur le pallier. L’argument était béton. Dès 7h30 je regagnais le domicile conjugal. Harassé de fatigue, je m’effondrais sur le sol du couloir. Dans le courant de la matinée, j’entendis quelqu’un qui frappait à notre porte. Je parvenais à ouvrir et j’aperçu dans l’entrebâillement un imposant gendarme qui cherchait à entrer. Ne voulant nullement retourner à l’hôpital je refermais la porte et je mettais en place tous les systèmes de verrouillage rendant impossible toute infraction. Je décidais alors de prévenir mon ami Gilbert alias Brutus, cet ami de travail dont j’évoquerai le souvenir dans le chapitre suivant :’ Le deuxième centurion de la garde Prétorienne’, afin qu’il avise la direction que je n’étais pas en mesure de me rendre au travail. Dans mon profond désarroi je finissais par avaler un autre tube d’anaphranyl. Je sombrais dans un abîme dont je fus tiré en fin d’après midi par un effroyable bruit de glaces brisées. Trois policiers à l’aide d’une échelle de pompier firent irruption dans le séjour en brisant une immense baie en double vitrage. Avec une férocité sans nom ils m’immobilisèrent dans la chambre où je m’étais retranché. Quelques minutes plus tard je me trouvais allongé dans une ambulance en route pour l’enfer.
Au cœur de l’Enfer :

Il devait être dix huit heures lorsque l’ambulance s’immobilisa dans la cour intérieure du 1 Rue Cabanis de L’Hôpital Saint Anne dans le quatorzième arrondissement de la capitale. J’étais dans un état de semi conscience, lorsque quelques minutes plus tard je me retrouvais dans une vaste salle où je fus allongé sur un de ces vieux lits à barreaux d’hôpitaux tels qu’ils existaient encore au 19ème siècle. La pièce semblait inoccupée, le jour tombait et je sombrais dans un sommeil profond dont je sortis au milieu de la nuit avec une forte envie d’uriner. Voulant me lever, je vis une sorte de colosse se dresser devant moi m’obligeant à le suivre. Je devais uriner en sa présence, je fus donc contrait de satisfaire mon besoin naturel sans pouvoir fermer la porte des toilettes. Je me sentais humilié rabaissé, mais ma faiblesse m’empêchait de protester. Je retournais me coucher sous bonne garde et je replongeais dans un sommeil réparateur. Les premières lueurs du jour me réveillèrent. Mon fidèle gardien n’était plus là. Je me levais péniblement pour rejoindre la fenêtre pour tenter de repérer où je pouvais être. Dans un mouvement de désespoir je me mis à hurler de douleurs et de chagrin. Dans les secondes qui s’en suivirent deux infirmiers virent me saisir violemment par les épaules pour aller me jeter dans une pièce qui était dépourvue de poignets aux portes ainsi qu’aux fenêtres. Dans un coin de la pièce un matelas était jeté à même le sol qui dégageait une forte odeur d’urine. De l’autre côté se trouvait un WC à la turque. C’était en quelque sorte une chambre remplaçant les anciennes camisoles de force. Je ne comprenais pas encore que je venais d’être interné sous la réglementation de la loi de 1838 qui permettait d’enfermer un membre de sa famille pour s’en débarrasser. Cette odieuse loi sur l’internement psychiatrique fut abolie en 1990 et remplacée par la loi N° 90-527 du 27 Juin 1990 également modifiée et améliorée par la loi dite ‘Kouchner’ du 4 Mars 2002. Ainsi dans un passé récent on traitait les tentatives de suicides comme des êtres aliénés extrêmement dangereux. Nous étions encore en plein Zola. Nous étions aux antipodes de la charte du malade, qui exige en de pareilles circonstances que le placement volontaire ne puisse se faire qu’après avis de deux médecins différents.
L’Hôpital Saint Anne avait été édifié au treizième siècle par Marguerite de Provence, lequel y accueilli dès le quinzième siècle des malades contagieux. C’est sous le règne de Napoléon III, qu’en 1863 il fut décidé de transformer l’établissement en hôpital psychiatrique sur l’ancien emplacement de la ferme Saint Anne. En ce début de matinée on vint me chercher pour être introduit dans le bureau du chef de service. A ses côtés se trouvait Danièle qui esquissait un sourire sardonique. Le médecin m’invita à m’asseoir et me lut le texte qui l’autorisait avec son accord de me faire interner. Je protestais devant une telle décision qui était disproportionnée au regard de la situation. D’un ton méprisant il m’indiqua que je devais accepter, dans le cas contraire, je faisais l’objet d’un placement d’office pouvant durer plusieurs mois. Le comble du cynisme fut atteint lorsqu’il me déclara :’Lisez ce texte, vous serez convaincu de mes propos’. Il venait de brandir sa bible de 1838 l’autorisant à me placer à Ville Evrard : ‘La Fosse aux Serpents’. Alors dans un ultime effort, je lui déclarais : ‘Docteur, vous savez très bien qu’en raison de ma TDS je ne suis pas en mesure de lire ce texte que vous me présentez’. En outre, il m’indiquait que je ne pouvais être interné dans l’établissement de l’ordonnateur. De ce fait j’étais placé à Ville Evrard pour une dizaine de jours, à l’issue de cette période le point serait fait avec l’équipe médicale, Danièle et moi.
Dans les minutes qui s’en suivirent je me retrouvais en ambulance pour rejoindre cet hôpital se situant au 202 de l’avenue Jean Jaurès à Neuilly sur Marne en Seine Saint Denis. A l’origine il s’agissait d’une simple villa entourée de dépendances agricoles avec ses bois et ses terres. En 1804 sous l’impulsion du Général d’Empire Douzelot le domaine fut agrandi pour atteindre sa taille actuelle. Mais ce n’est qu’en 1862 que Ville Evrard fut transformé en hôpital psychiatrique et structuré selon le principe de la sectorisation des communes de l’est parisien. Je fus donc affecté à l’un de ces six pavillons. Le mien s’organisait autour d’un vaste salon qui faisait office de salle à manger pouvant accueillir une cinquantaine de patients. Puis on trouvait le bloc médical avec le bureau du Docteur Kalfon Psychiatre qui déciderait de ma date de sortie. Le reste du bâtiment était réservé aux chambres des patients. Je ne sus jamais combien nous étions, ma préoccupation était essentiellement de quitter ces lieux maudits le plus tôt possible. Je fus reçu par le remplaçant de Madame Kalfon qui était ce jour là absente. Il me fut confirmé que mon hospitalisation était programmée pour une durée d’une dizaine de jours et qu’au terme du séjour, un bilan serait effectué en présence de ma femme pour la suite qu’il conviendrait de donner. Cet internement était placé sous un principe de thérapie des plus surprenant :’ Ce que j’allais voir était pour moi l’enfer qui me permettrait de réagir pour guérir, et pour les patients qui m’entouraient j’étais pour eux un avenir possible’. C’était ahurissant d’entendre de tels propos. Je fus affecté dans une chambre sombre d’une propreté douteuse tout près du local de la pharmacie où le soir je devais recevoir mes doses d’anaphranyl 400 et d’Halcion pour me faire dormir. Ce puissant hypnotique de la famille des benzodiazépines avait pour but d’agir sur les neurotransmetteurs inhibant l’activité cérébrale nocturne. Mais Halcion présentait des risques de dépendance accompagnés de somnolence diurne avec des hallucinations. Malgré ce bombardement thérapeutique, je me réveillais souvent la nuit et j’entendais les bruits rauques qu’émettait un couple de schizophrène lors de copulations diaboliques. C’était horrifiant à entendre, les rugissements des bêtes fauves en comparaison paraissaient être comme le chant du Rossignol. Parfois il m’arrivait de les apercevoir dans le couloir se déplaçant comme des crapauds avec des bonds qui pouvaient atteindre près de deux mètres. Le matin lorsque je me rendais à la salle à manger pour y prendre mon petit déjeuner, j’apercevais dans la salle de bain un alignement de corps nus d’hommes et de femmes alignés et qui recevaient des jets d’eau pour les laver. La vue était insoutenable à supporter : des plaques entières d’excréments se détachaient ainsi de leurs corps difformes et sans âges. J’étais plongé dans un univers hallucinant de folie difficilement concevable pour celui qui a échappé à cet enfer, cette fosse aux serpents. Lors des repas, j’avais souvent en face de moi des femmes attachées à leur fauteuil roulant prenant à pleine main leur nourriture qu’elles faisaient dégouliner sur leurs visages gonflés et au regard hagard et vide.
Parfois après le repas du soir je me rendais dans une cour goudronnée entourée d’un grillage qui dépassait quatre mètres de hauteur. Je venais là pour respirer l’air pur qui se dégageait d’arbres centenaires. Souvent un patient d’origine orientale venait vers moi, pour m’expliquer qu’en regardant à travers les feuillages on pouvait apercevoir les esprits. Malgré tous mes efforts pour ne pas le vexer je ne voyais jamais rien. Vraiment je n’étais pas doué.
Sur le plan psychiatrique, nous étions suivis par deux équipes : celle du matin qui apportait son point de vue sur nos comportements. L’équipe de l’après midi procédait de la même manière. Il appartenait au Docteur Kalfon de faire la synthèse des deux points de vue des équipes d’infirmiers. Très vite je compris que le véritable centre du pouvoir ‘Psy’ était détenu par l’infirmière en chef des deux équipes. C’était elle qui faisait le lien avec la psychiatre. C’était donc la personne qu’il fallait courtiser pour obtenir un rapport favorable et me permettre de quitter ces lieux maudits.
Cela faisait plus de dix jours que j’étais à Ville Evrard, je n’étais pas rasé car j’avais été hospitalisé qu’avec mon seul pyjama. De plus je compris que tout ustensile présentant un risque pour réitérer une TDS était délibérément éliminé. Un matin l’infirmière en chef vint me dire que je pouvais quitter le pavillon pour me rendre à l’entrée de Ville Evrard ou ma femme avait déposé une valise. En traversant ces longues allées je découvrais les autres pavillons mais je peinais à marcher, ces premiers instants de semi liberté me rendait ivre. Arrivé à la conciergerie on me remit ma valise que je n’ouvris qu’en regagnant ma chambre. Pas un seul mot de Danièle. Simplement des vêtements, des chaussures, mon nécessaire à toilette et un billet de cinquante francs qu’elle avait pris dans ma sacoche qui contenait une somme bien supérieure. Je compris dès lors qu’elle ne viendrait pas au rendez vous que lui avait fixé ce jour là le Docteur Kalfon. Or en signant mon internement, la loi lui faisait obligation de faire le bilan avec l’équipe médicale et en ma présence. Le Docteur Kalfon me convoqua en fin de matinée. Je pénétrais pour la première fois dans ce bureau. Elle avait un air très sympathique et elle cherchait à rassurer. Je compris rapidement que quelque chose d’anormal était en train de se passer. Le Docteur semblait gêné de me confronter à une terrible réalité. Sans hésiter un seul instant, je lui demandais de me dire ce qui se passait et que j’étais prêt à entendre ce qui devait être dit. Danièle avait tout simplement téléphoné à Kalfon qu’elle ne viendrait pas au rendez vous et elle aurait rajouté qu’elle n’en avait rien à foutre. La psychiatre était sidérée, la chef des infirmières qui m’avait pris en sympathie était au bord des larmes. Kalfon me dit alors :’ Nous n’aimons pas être des instruments pour faire interner à tord un patient, je suis prête à vous faire une attestation en ce sens’. J’étais anéanti, mais je souhaitais encore sauver notre couple afin de pouvoir continuer à élever ‘Le Centurion Del Djem’. Je refusais cette proposition qui ne fut jamais renouvelée, ce fut une erreur fatale. Dès lors mon séjour n’étant plus justifié, je devais néanmoins recevoir un traitement pour me permettre une sortie d’ici un délai de quatre à cinq jours. Dans le courant de l’après midi même, je reçu la visite de Sylvie qui avait été écartée jusqu’ici par les services psychiatriques. Sylvie me rendit visite tous les jours , je partais accroché à son bras pour marcher dans les grandes allées de l’ancien domaine. Je cachais la situation à l’équipe médicale, et quelques jours plus tard , Sylvie vint me chercher. Subitement je replongeais dans le bruit du macrocosme, des fumées , des gaz d’échappement des flots interminables de voitures. J’étais ivre de fatigue, Sylvie m’emmena dans son petit studio qu’elle avait loué non loin de là à Montreuil.
Le calvaire du Mont D’Est :

A ma demande, le Docteur Kalfon avait limité ma prolongation d’arrêt de travail à une quinzaine de jours après ma sortie de l’hôpital. En effet mes fonctions de chef de service de Formation continue ne me permettaient pas d’être absent plus longtemps, par ailleurs je pensais qu’en reprenant mon activité professionnelle cela m’éviterait de ruminer le cauchemar que je venais de traverser. Ainsi durant la première semaine de retour à la vie je passais le clair de mon temps à dormir. Le matin quand je me réveillais Sylvie était déjà partie depuis longtemps à son travail qui se trouvait du côté de Nation. Peu à peu je reprenais pied mais Halcion me jouait de vilains tours. A plusieurs reprises je fus l’objet d’hallucinations en pleine rue m’obligeant à regagner le studio en toute hâte. Il fallait à tout prix que je puisse me sevrer de cet hypnotique qui finissait à me faire plus de mal que de biens. Malgré toutes ces difficultés à remonter la pente, je pus reprendre mon travail à la rue Copernic dans les délais que je m’étais assigné. Le Directeur de notre organisme un certain ‘Gaston Pialoux’ me fit observer que je n’étais pas en mesure de travailler. Je lui rétorquai que sa position de Directeur ne l’habilitait pas à juger de mon aptitude à reprendre le travail ou non. L’incident fut définitivement clos. Plusieurs semaines s’écoulèrent ainsi, les journées me paraissaient longues et pénibles mais peu à peu je parvenais à refaire surface.
Plus d’un mois s’était écoulé depuis mon retour à la vie civile, et je ne savais pas où se trouvait mon fils. C’était un ‘black out’ complet de la part de Danièle. De même je n’avais pas cherché à réintégrer notre appartement du 6 allée des hautes fleurs à Noisy le Grand. Sylvie m’hébergeait dans son studio de Montreuil et nos déplacements s’effectuaient le dimanche avec une ‘4L’ qui appartenait à ses parents. Pourtant cette situation ne pouvait perdurer. Je proposais à Sylvie, lors d’un week end de faire une incursion chez moi. C’est avec une certaine fébrilité que j’ouvris la porte de cet appartement dont je n’avais plus franchi le seuil depuis près de deux mois. C’est en l’ouvrant qu’on découvrit des draps souillés qui avaient été mis là en évidence pour m’humilier. Sylvie n’en revenait pas, sans rien dire elle les ramassa pour les mettre immédiatement en machine. Le même affront dû être constaté sur le canapé du salon qui était également recouvert de foutre. Je revis en un éclair ce couple de schizophrènes qui se déplaçait comme des crapauds lors de mon séjour à Ville Evrard. Comment Danièle avait elle pût s’abaisser à une telle mise en scène ? Sur un plan plus matériel, elle avait emporté ses meubles, l’argenterie ainsi que la plupart des objets de valeurs que nous avions acquis ensemble. Il me restait qu’un canapé souillé avec le lit de notre chambre. Ce soir là on décida de rejoindre Montreuil car après ce nouveau choc, il me paraissait difficile dormir en ces lieux.
C’est en rentrant dans son petit studio de Montreuil, que je pris conscience de son exigüité. Dès le lendemain on prenait la décision de réoccuper l’appartement de Noisy Le Grand, et c’est en nous rendant au garage qui se trouvait en sous sol de l’immeuble que je pus constater la présence de la voiture : une 1307S que Danièle me laissait. La vie reprenait peu à peu un sens, mais j’avais conscience que ma relation avec Sylvie n’avait pas d’avenir. Pourtant durant de nombreux mois on alla passer le week end chez ses parents qui habitaient dans un petit village de L’Oise. Son père avait fui la Pologne lors de la deuxième guerre mondiale et avait pût obtenir un emploi auprès de la Direction de l’action sanitaire et sociale : La DASS. C’était un homme simple mais qui avait la tête sur les épaules. Il est certain, que ses parents auraient souhaité que j’épouse Sylvie qui aurait été une excellente mère de famille au foyer. Mais cet idéal je n’en voulais plus. J’avais déjà perdu Karine et Myriam lors de mon premier divorce, je venais de perdre mon fils. Dans ce douloureux contexte, il n’était plus question de refonder une nouvelle famille. Mais ce choix je ne pouvais l’imposer à Sylvie dont le désir était d’avoir des enfants. L’été 1981 que l’on passa chez ses parents fut une longue agonie à laquelle il était urgent de mettre fin. Dans ces conditions, je devais trouver une solution pour mettre un terme à cette relation tout en préservant Sylvie si cela était possible. Ne pouvant vivre seul, je décidais alors de faire paraître une annonce sur ‘Le Nouvel Observateur’ pour tenter de trouver l’âme sœur avec laquelle je pourrai partager ce quotidien qui devenait de plus en plus difficile. Je reçu une cinquantaine de réponses, la plupart des lettres furent éliminées sur simple lecture, ainsi je venais de pénétrer un nouveau monde celui ‘d’aller vendre son âme’. Cette quête terrible qui allait durer près de vingt ans.
J’avais ‘sélectionné’ sept ou huit réponses. Parmi lesquelles se trouvait celle émanant d’une dame, mon ainée de huit ans, dont le parcours chaotique me toucha profondément. Elle habitait Poitiers. C’est ainsi que nous prîmes rendez vous un soir de Novembre 1981 sur le quai de la gare d’Austerlitz. C’était à l’occasion d’un de ces weeks end où Sylvie s’était rendue dans l’Oise voir ses parents car je lui avais laissé tout le temps nécessaire pour qu’elle puisse retrouver un studio. Cette situation perdura près de deux mois, nous cohabitions comme deux étrangers. Ce fut un long calvaire qui s’acheva en Février 1982 date à laquelle mon employeur me licenciait pour motif économique. En fait l’indiscrétion de ‘Brutus’ avait permise à L’ANDFPCRACM de prendre connaissance de mon séjour à Ville Evrard ; dans le cadre de la restructuration de notre organisme, l’administrateur délégué un certain Pierre Gilson, profita de ces circonstances pour mettre fin à mon contrat de travail. Ainsi en février 1982, je quittais pour toujours le macrocosme où j’avais séjourné onze longues années. Ainsi, en perdant ma femme, mon fils, puis mon travail, je perdais pour de longues années mon identité. C’est dans ce contexte dramatique que j’allais bientôt aborder l’épopée Poitevine.

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