dimanche 2 novembre 2008

La Dynastie Georgienne: L'Anschluss


La Dynastie Géorgienne est la dernière dynastie du haut empire que fonda 'Louis Le Magnifique' avec Nathela. Ce fut une époque contrastée, marquée par la procédure en divorce à l'encontre de 'La Dynastie de L'Obscur' avec la constitution d'une fratie de six enfants et le couronnement de sa carrière professionnelle. Ce fut également une période durant laquelle 'Louis Le Magnifique' connu un véritable bonheur qui sombra dans le chaos quinze ans plus tard. Quelle était donc cette malédiction qui venait le frapper? Pour ma part 'La Dynastie Georgienne' marqua profondément mon passage de l'enfance à l'adolescence. Nathela fut la personne qui pallia de son mieux à l'absence maternelle dont j'étais l'objet. Sans chercher à remplacer ma mère, elle su apporter le réconfort moral dont j'avais besoin. Pourtant rien ne fut fait pour que je puisse être demi pensionnaire comme Catherine sa fille cadette alors que nous habitions tous deux à Tallard. Durant plusieurs années encore je dus être pensionnaire au Lycée Dominique Villars. Ainsi de 1957 à 1962 je fus le seul à être mis en pension dans la fratrie. Cette situation, je la vécue une nouvelle fois comme une mise à l'écart. La répétition continuait à frapper. Pourtant j'optais pour le silence car j'avais encore en mémoire la triste expérience du séjour à Toulouse en 1955 ainsi que l'année scolaire 1955-56 où je fus mis en pension à ND du Laus. Ce n'est qu'en 1962 que je décidais de m'insurger contre cette mise à l'écart et revendiquer le même statut dont bénéficiait Catherine. Sur un autre plan, cette époque fut marquée par la construction du barrage de Serre Ponçon. Ce chantier titanesque s'échelonna sur plus de six années, il marqua pour mon père son véritable envol professionnel. Il négocia avec EDF la visite médicale d'embauche de plus de trois mille ouvriers, techniciens et ingénieurs. C'est par ce biais qu'il se constitua une clientèle auprès des personnels qui construisirent cet ouvrage giganstesque. Il dû faire face à un triplement de sa clientèle, ses journées de travail dépassaient souvent quinze à seize heures. Cette tension fut certainement le facteur déclencheur d'une dépression bipolaire qui le fit gravement sombrer. C'était en 1970, année où j'achevais mes études universitaires à Aix en Provence et marquant le début d'un chaos qui allait bientôt s'abattre sur toute la constellation familiale.
La Saulce:
Novembre 1956 marqua pour moi le début de la troisième dynastie . Allant sur mes douze ans, j'entrais une nouvelle fois dans un monde nouveau. Mon père louait un petit appartement à La Saulce où habitait Nathela depuis son divorce avec Atchico, ce monsieur avec lequel j'étais allé au Lac Noir un jour d'été au début des années cinquante. 'Louis Le Magnifique' entrait tard dans la nuit après avoir effectué ses visites auprès de ses patients dans les villages environnants. Ellico et Irène les deux autres filles de Nathela nous rejoignaient les weeks ends et une partie des vacances scolaires. Catherine âgée tout au plus de cinq ans dormait dans la chambre des 'parents'. La chambre des filles était indépendante de l'appartement , il fallait sortir sur le pallier pour y accéder. Pour ma part Nathela avait installé un lit dans un coin du séjour qui faisait office de divan le reste du temps. Je n'avais donc plus de chambre mais n'étant présent à La Saulce, en période scolaire,que deux nuits par semaine, cela n'était pas trop gênant. En effet il fallait que j'attende que tout le monde se décide de rejoindre sa chambre pour que je puisse me coucher. Cette situation 'de fortune' perdura jusqu'en Juillet 1957.
Depuis ma tendre enfance chaque hiver était marqué par l'avènement d'angines à répétitions auxquelles j'étais sujet. Ainsi ce mois de Décembre 1956 ne fit pas exception à la règle. C'est dans ces conditions qu'un soir mon père fut convoqué par l'infirmerie du Lycée pour me ramener à La Saulce afin de libérer le lit que j'occupais. Ainsi je me retrouvais allité à la Saulce avec une fièvre de 'cheval'. Je dû patienter jusqu'au samedi le retour des filles du lycée de Gap.Ellico qui est mon aînée de quelques mois , me proposa de jouer au 'petit chemin de fer'. Le jeu consistait dans un premier temps à ce que chacun inscrive un mot sur une feuille de papier, puis il fallait replier la page pour cacher l'inscription que nous avions faîte. Après un certain nombre de tours , il convenait de déplier la feuille pour tenter de retrouver le message qu'un d'entre nous avez voulu transmettre. C'était une devinette en quelque sorte. Ellico nous demanda, après quelques tours d'arrêter le jeu. Je fus chargé de décrypter le message qu'elle voulait nous faire découvrir.Dans mes vaines tentatives d'interprétations, je voyais Irène rire aux éclats. Je ne comprenais pas très bien le sens de ces rires moqueurs, mais je percevais confusément que l'on se gaussait de ma naïveté. Pour des raisons que j'ignorai Irène quitta subitement le séjour et je me retrouvai seul face à Ellico. Je me sentais déstabilisé et gauche, elle même semblait génée pour me dire ou me faire comprendre son message. j'étais de plus en plus perplexe devant ses explications, je ne comprenais pas ce dont il s'agissait. Finalement Ellico, et comme le chantait Brassens, 'posa sur mes lèvres un baiser en guise de bâillon'. C'était inattendu, surprenant. Pourtant c'est ainsi qu'Ellico fut ma première amourette de jeunesse.
Curbans:
Lors des weeks ends passés à La Saulce en cet hiver 1957, nous allions nous promener souvent dans la campagne environnante. Ces moments partagés avec Ellico me semblaient irréels, je baignais dans une sorte de rêve qui me remplissait à la fois de joie et de spleen. Lorsque le Dimanche soir approchait marquant la fin du week end, je sentais la tristesse m'envahir, le lendemain matin il fallait aller prendre le car de la SCAL qui nous ramenait au Lycée pour une nouvelle semaine d'internat. Ellico quant à elle rejoignait le domicile paternel lui épargnant cette période d'enfermement que je subissais ainsi chaque semaine. Un dimanche d'hiver, Ellico décida de m'initier au patin à glace. C'était pour moi une véritable découverte car ayant habité Marseille, je ne connaissais pas ce sport qui à l'époque ne connaissait pas l'essor qu'il prit ultérieurement avec le développement des patinoires. On prit nos bicyclettes pour nous diriger vers notre lieu de destination qui se trouvait sur la rive gauche de la Durance en direction de Tallard. Curbans à l'identique d'Avançon est perché sur une frontale morainique. Au pied du village s'étalait un marécage qui gelait en cette période de l'année. Cet espace sauvage constituait une vaste patinoire. C'est en ces lieux qu'Ellico m'apprit les premiers éléments du patinage. Je me souviens qu'Irène nous photographia avec son vieil appareil Kodack en bakélite noire. L'air était vif, j'avais froid. Subitement je sentis un souffrance inexplicable m'envahir. J'aurais dû pourtant me sentir bien, ce fut l'inverse. La boîte de Pandore venait de s'ouvrir pour répandre ce mal diffus et étrange qui m'assaillait. Que se passait-il donc? Je me sentais ignoré par 'Louis Le Magnifique', abandonné par Maman. Le Pakistan me semblait être au bout du monde, et j'étais prisonnier au Lycée Dominique Villars. Ellico était la seule qui me témoignait un sentiment dont je ne comprenais pas le sens réel. Sans le vouloir, par ce paradoxe, elle venait de déclencher le processus de la dépression qui entrait avec fracas dans ma vie d'adolescent. Cette tendresse amoureuse, les sentiments qu'elle éprouvait pour moi me déstabilisaient, car il manquait un maillon dans la chaine affective : celui de l'amour parental dont j'étais spolié. Ce choc émotionnel constituait une rupture qui déclencha une souffrance terrible qui allait me poursuivre longtemps. Cette douleur je n'en fis part à personne. C'était mon jardin secret dans lequel personne ne fut convié. Parfois à l'étude du soir, après le soupé, je me laissais envahir par ce chagrin qui me submergeait. Alors dans une sorte de désespoir j'écrivais à Ellico pour lui faire part de ce ressenti, de cette désespérance qui venait me hanter. Je devais déployer des ruses de sioux pour lui faire parvenir ces lettres. Un jour, 'Louis Le Magnifique' me reprocha de faire parvenir ces courriers à Ellico. Comment avait -il pu l'apprendre? En fait mon père aurait dû s'interroger sur les causes qui engendrèrent cette correspondance. Il n'en fut rien et la dépression dont je devenais l'objet allait pouvoir se développer en toute sérénité.
L'Invasion:
Alors que ma première année scolaire au Lycée Dominique Villars s'achevait, en ce début d'été 1957 je me retrouvais en vacances à La Saulce avec Nathela et Catherine. Il n'était plus question de me rendre rue Jean de Bernady à Marseille, pour y passer un mois avec Maman.'The Glamorous Fifties' appartenaient à une époque révolue. Un matin alors que je faisais de la bicyclette à proximité de l'église, je vis mon père venir vers moi, son visage était fermé et austère. Sans me donner la moindre explication il prit mon vélo pour repartir immédiatement en direction de Tallard alors qu'il avait garé sa voiture dans la rue du village où nous habitions. Cette saisie était incompréhensible et me privait de tout moyen de locomotion indispensable pour jouer avec mes camarades. J'étais affecté par cette mesure autoritaire car ce vélo était le cadeau du Noël précédent que j'avais reçu de Maman. Elle avait du missionner Madame Castellin qui s'occupait de ses biens pour acheter cette bicyclette chez Payan. C'était un vélo de course magnifique avec huit vitesses, le 'NEC plus ultra' de l'époque. Le marchand de cycles a aujourd'hui disparu, seule son enseigne délavée par le temps subsiste sur la façade à hauteur du premier étage de cet immeuble situé sur le cours Lieutaud à proximité du boulevard Thurner. Inquiet, je demandais à Nathela si elle connaissait la raison qui avait incité 'Louis Le Magnifique ' de s'emparer de mon vélo pour retourner à Tallard alors que sa voiture était en stationnement dans la rue. Devant son silence, je compris que je devais attendre son retour pour avoir une explication. C'est en fin d'après midi que mon père revint à La Saulce pour y prendre son repas de midi. C'est ainsi qu'il nous expliqua qu'Anne Marie, en ce début de procédure en divorce, avait fait apposer les scellés sur l'appartement du premier étage, ainsi que sur la porte qui donnait accès à son cabinet médical se trouvant au rez de chaussée. Le motif invoqué était sa crainte que mon père lui dérobe ses meubles durant son séjour en bord de mer passé avec mon frère et ma soeur. C'est cet excès de droit qui permit à mon père de saisir le conseil de l'ordre des médecins pour faire procéder à la levée des scellés qui constituaient de facto une interdiction de travailler le mettant dans l'incapacité à lui verser la pension alimentaire qu'il était tenu de lui verser. La levée pu être exécutée en fin de matinée. De même il obtenait l'autorisation de stocker les meubles de 'La Dynastie de L'Obscur' dans le boudoir, cette petite pièce qui avait accueilli quelques années plutôt Datouna l'ex beau frère de Nathela que j'avais connu à Noël 1951. Ainsi en ce début Juillet 1957, Nathela , Catherine , 'Louis Le Magnifique', et moi même intégrons le jour même le 12 rue Souveraine : C'était 'L'Anschluss'. La Dynastie de L'Obscur était écartée pour laisser la place à l'instauration de la troisième dynastie . Je fus chargé par mon père de rechercher dans cette vaste maison où pouvait se trouver la porte du boudoir qui avait été enlevée depuis plusieurs années. Je la retrouvais entreposée sur le toit du pigeonnier qui se trouvait dans l'un des greniers qui servait à faire sécher le linge. Monsieur Messonier, le menuisier réinstalla la dite porte en y mettant une serrure afin de pouvoir fermer la pièce qui se transforma durant l'été en garde meubles. Pour éviter toute contestation ultérieure un inventaire des meubles fut dressé et de nouveaux scellés furent posés. Ce fut le seul évènement marquant de cet été 1957 qui était le deuxième que je passais en l'absence de Maman. Septembre arriva, l'été touchait à sa fin, déjà les soirées se faisaient plus fraîches. Un après midi, alors que je me retrouvais un moment seul dans cette grande maison, la sonnette retenti. Je crus qu'il s'agissait d'un patient qui avait un rendez vous avec 'Louis Le Magnifique'. Je descendis pour ouvrir la porte. Quelle surprise, dans l'entrebaillement de la porte se tenaient mon frère et ma soeur. Ils voulaient entrer pour retrouver cette maison qu'ils avaient toujours habitée, voir une dernière fois leur chambre. Mais Nathela avait réamménagé la pièce en lingerie. Tout ce qui pouvait rappeler 'La Dynastie de L'Obscur' avait été gommé, éffacé. Je n'osais pas les faire entrer car je ne savais pas comment leur expliquer une telle transformation afin de leur éviter de la peine. C'était boulversant, 'Année' me demanda s'ils pouvaient monter un instant à l'appartement, je ne pouvais leur refuser cela. La visite fut silencieuse, ils constatèrent les différents changements qui avaient été effectués en leur absence en cet été 1957. Ils quittèrent la maison sans prononcer un mot, ils exprimèrent seulement un petit sourire triste pour me dire au revoir. 'Louis Le Magnifique' était absent, leur enfance venait soudainement d'être engloutie dans l'abîme de la répétition.

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