mercredi 19 novembre 2008

La Dynastie Georgienne: L'Apogée


Tel un volcan majestueux, Ceüse est cette montagne que j'apercevais de ma chambre située au deuxième étage du 12 Rue Souveraine. C'est cette vision que j'utilise encore aujourd'hui lorsque je procéde à une séance de relaxation selon la méthode Schlutz. Le début des années sixties marquèrent le temps de l'apogée de la troisième dynastie. Elles furent marquées par des moments forts qui laissèrent des souvenirs inoubliables.
Taxi Roulotte et Corrida:
Cette période fut marquée par nos grandes expéditions d'été en camping sur la Côte d'Azur. Il fallait organiser le départ en vacances d'une dizaine de personnes. Hormis les parents il y avait la fratrie constituée par: Ellico, Irène, et Catherine les filles de Nathéla; auxquelles venaient s'adjoindre les enfants de 'Louis Le Magnifique' avec Marc, Anne et moi même. Certaines années Christine Pagava la fille cadette d'Atia soeur de Nathela vint grossir nos rangs. D'autres années ce fut le tour de son frère Rédic accompagné de sa femme Mayle originaire des états unis. Mon père me chargeait d'organiser la logistique nécessaire pour aller camper au bord de la grande bleue. J'avais ainsi la charge d'inventorier le matériel existant et dresser un listing de ce qu'il fallait remplacer ou compléter pour nous rendre aux 'Maurettes' situé à proximité de Villeuneuve Loubet dans les Alpes maritimes. Cette opération achevée, il fallait procéder au chargement du matériel qui était à répartir entre 'La Frégate' et la '4chevaux'. Pour gagner de la place le gros matériel était disposé dans des cantinières métalliques que mon père et moi hissions sur les galeries que nous arrimions à l'aide de 'pieuvres' une sorte de Sandows à bouts multiples. Ces chargements étaient impressionnant à voir. Puis c'était le départ, nous avions à parcourir près de quatre cents kilomètres sous un soleil de plomb. Mon frère et moi allions avec 'Louis le Magnifique' sur la banquette avant de la voiture car l'arrière du véhicule était occupé par les valises et différents matériels que nous n'avions pu loger dans le coffre ou sur les galeries. La quatre chevaux conduite par Nathela accueillait les filles. Plus de six heures de route nous séparaient de notre lieu de destination, ces expéditions furent homériques car nos chargements de permettaient pas de dépasser les cent kilomètres heures. Par ailleurs nous avions à gravir deux cols avant d'atteindre le massif des Maures qui était le dernier obstacle nous séparant de la mer. Malgré toutes ces contingences matérielles, il régnait une ambiance fantastique qui laisse des souvenirs pour la vie. Pourtant ces périodes extraordinaires furent frappées par d'âpres disputes qui ne manquèrent pas de surgir. 'Louis Le Magnifique' une fois l'installation effectuée remontait à Tallard pour répondre aux exigences de sa clientèle qui connaissait une croissance exponentielle. En outre ses patients ne voulaient pas pas se faire soigner par un remplaçant. L'expérience fut menée une seule fois et mon père dû par la suite y renoncer. Ainsi il fut contraint chaque été de faire ces allers-retours chaque week-end. Notre campement se composait de deux à trois tentes qu'il fallait dresser après plusieurs heures de route. C'était la phase la plus pénible que mon père et moi même étions seuls à accomplir . Nathela durant ce temps s'occupait à installer la cuisine et chargeait les filles d'aller faire les courses pour notre premier repas de vacances qui se faisait ce jour là à une heure assez tardive à la lumière des lampes à gaz. Le lendemain de notre installation, Nathela réunissait alors la fratrie des six enfants pour assigner à chacun nos rôles respectifs. Deux équipes étaient constituées: Celle des filles avec Irène et Ellico, et celle des garçons avec Marc et moi. Ainsi la vaisselle, les courses devaient être faites par chaque équipe à tour de rôle. La corvée de la glace pour assurer la réfrigération des glacières était à charge des garçons en contre partie les filles effectuaient la vaisselle du matin pour les petits déjeuners. Cette équité fit que personne n'envisagea une seule fois d'échapper à ses obligations. En partageant les tâches quotidiennes Nathela pouvait ainsi se reposer un peu malgré la 'tambouille' qu'il fallait qu'elle effectue pour la petite colonie. 'Les Maurettes' constituèrent un épisode mémorable de la Dynastie Georgienne, car ce furent des années d'un réel bonheur qui pourtant s'achevèrent dans le chaos. L'été 1963 marqua notre derniere venue à Villeneuve Loubet, depuis je ne suis plus jamais revenu en ces lieux. Le Camping existe encore aujourd'hui et se dénomme:'Le parc des Maurettes'. Je revois encore défiler dans ma mémoire 'Le club House' où les jeunes du camp se retrouvaient le soir, le jeu de boules derrière le bloc sanitaire où des parties acharnées furent jouées tardivement dans la nuit. Les ballades que nous faisions le soir du côté des plages où se trouvaient des cartings étourdissants. La fabrique de moellons que nous longions pour nous rendre à la plage de galets qui s'étend jusqu'à la Promenade des Anglais.......
Independance Day:
L'année 1962 marquait déjà ma sixième année d'internat au Lycée Dominique Villars à Gap, et je n'avais plus revu Maman depuis Juin 1956 lors de sa venue à Notre Dame du Laus. Catherine quant à elle était demi pensionnaire au Lycée de jeunes filles. Cette différence de statut n'était nullement justifié et j'avais sollicité à plusieurs reprises de bénéficier des mêmes avantages. Mais je me heurtais à chacune de mes demandes au front du refus. Cela coûtait trop cher me répondait invariablement 'Louis Le Magnifique' et engendrait trop de travail pour Nathela. L'argument invoqué était manifestement faux. En effet les repas étaient confectionnés par Mireille l'employée de maison, quant au repassage de mon linge c'était moi qui l'effectuait. Par ailleurs le transport scolaire Tallard-Gap-Tallard s'éffectuait gratuitement pour les enfants du personnel participant à l'aménagement hydro electrique de la vallée de la Durance. Mon père de part la convention négociée avec EDF depuis 1957 bénéficiait également de cette libéralité. Le motif invoqué était donc un argument fallacieux. En vérité j'étais considéré comme 'personae non grata' à Tallard comme c'était le cas dix ans auparavant du temps de 'La Dynastie de L'Obscur'. On m'acceptait le week end ainsi qu'aux vacances scolaires parce que l'on ne pouvait pas me mettre à la porte. Le reste du temps, il fallait que je sois écarté pour ne pas déranger. Lors de la rentrée scolaire des vacances de Pâques en avril 1962, un incident inattendu allait me permettre d'obtenir ce que je souhaitais depuis plusieurs années déjà. En effet, alors que je me retrouvais en 'permanence' entre onze heure et midi, je m'étais placé à ma place habituelle pour accéder au placard où je rangeais mes livres de classe. Les surveillants avaient pour consigne de décompter les présents aux permanences en recensant les élèves de la classe de sixième jusqu'aux terminales. A l'appel des élèves de seconde moderne, je levais machinalement le bras. Quelques minutes plus tard le 'pion' m'accusa de n'avoir pas levé la main lors du contrôle des effectifs. Je protestais de me voir injustement accusé d'une faute que je n'avais pas commise. Malgré mes protestations il maintint ses accusations. Excédé devant son obstination , je quittais la permanence pour solliciter une audience auprès du censeur. Ce dernier n'était pas dans son bureau, arrivé à l'heure de midi je dus me résoudre à rejoindre mes camarades pour aller déjeuner. Dans l'après midi alors que j'étais en cours on vint me chercher pour que je rejoigne le bureau de l'assistante sociale qui se trouvait dans les locaux de l'infirmerie. Arrivé sur les lieux, mon père se trouvait à ses côtés. J'étais surpris par cette convocation quelque peu inattendue. Je connaissais bien Madame Bérard qui était une patiente de mon père. Il l'avait connue à l'époque des années cinquante lorsqu'il était médecin scolaire des lycées de la ville de Gap. C'est elle qui prit la parole pour me signifier que je devenais dès cet instant demi pensionnaire. J'étais surpris par cette heureuse décision que j'avais vainement attendu depuis plusieurs années. Les clefs de mon dortoir me furent remises afin que je prenne mes affaires. Je reçu pour consigne de ne pas en parler au Surveillant Général alias 'Boulus ' qui avait sollicité mon renvoi en raison de l'incident du matin lors de l'appel en permanence. Pour éviter une telle sanction le Proviseur avait accepté que je devienne demi pensionnaire et réduisait la sanction à une consigne pour un Jeudi matin. C'était 'Indépendance Day'. En quittant le lycée vers seize heure je rencontrais le surveillant qui m'avait accusé, mais ce dernier s'excusa. Il reconnu qu'il n'avait pas vu mon bras qui avait été caché par la porte de mon placard. Moi même je lui présentais mes excuses pour avoir quitté la permanence de façon intempestive. Je retrouvais ainsi la liberté que j'avais perdu depuis Février 1955 date de mon départ définitif de la rue Adolphe Thiers à Marseille. Ainsi jusqu'en Juin 1965 je fis quotidiennement la navette Tallard-Gap-Tallard pour me rendre au lycée. C'est ainsi que je fis la connaissance d'un certain Bernard Dupouy alias 'Cleps' dont le père était ingénieur chargé de l'aménagement de l'usine de Curbans qui constituait la prolongation des travaux d'aménagement du complexe hydro-electrique de Serre Ponçon. J'appris ultérieurement que ce camarade connu une fin tragique lors d'un accident de la route. Je me souviens encore de nos discussions que nous tenions sur la place du village en attendant notre petit car qui venait d'Espinasses. Je revois aussi ces matins de printemps ou la vallée était illuminée par des centaines de brûlots dégageant une fumée noirâtre pour protéger les vergers des gels printaniers du pays de Tallard. Par la suite ce spectacle disparu. Le pétrole commencait à devenir cher en outre les fumées étaient une source de pollution. On y substitua un procédé par aspersion. L'eau en gelant formait une mince pellicule de glace protectrice contre le froid préservant la fleur de l'arbre fruitier. Déjà à cette époque il fallait économiser le précieux liquide noir.
Mary:
L'année scolaire venait de s'achever par toute une série d'évènements heureux. Ce fut d'abord ce passage au statut de demi pensionnaire que j'avais revendiqué depuis mon entrée en sixième en 1956. C'était surtout la venue d'une dénommée 'Mary' une jeune anglaise qui était la correspondante d'Ellico. L'année précédente Marie Hélène s'était rendue en Angleterre passer un mois de vacance dans la famille de Mary. C'était à notre tour de recevoir sa correspondante afin qu'elle se perfectionne avec les subtilités de notre langue. C'était l'époque des Beattles, du 'Yéyé' comme nous disions à l'époque. Allant sur mes dix huit ans j'avais hâte de connaître cette anglaise dont Ellico m'avait parlée à plusieurs reprises. J'avais par ailleurs à prendre une petite revanche depuis l'incident 'Franco', ce garçon qui avait sonné le glas de notre amourette de jeunesse. Celle-ci fut prise à ma plus grande 'satisfaction' . Comme les années précédentes, je fus chargé de préparer notre départ pour 'Les Maurettes'. Les vacances se déroulaient au mieux. Ellico faisait du charme à 'Muad Dib' qui était encore candide, de mon côté je flirtais avec 'Mary' so good! Quant à 'Louis Le Magnifique' , il faisait la navette hebdomadaire 'Les Maurettes- Tallard' . Des journées paisibles s'écoulaient dans la douce chaleur de l'été. Lors des fêtes de l'assomption, Nathela voulu marquer l'évènement en invitant Mary à La Siesta qui était une nouvelle boîte qui venait de s'ouvrir et faisant fureur à l'époque. Construite en bord de mer entre Antibes et Villeneuve Loubet, nous n'étions qu'à quelques kilomètres de ce lieu magique où l'on dansait sur un parterre de verre reproduisant des nénuphars ayant en son centre un vieux galion espagnol entièrement illuminé. Je pensais pouvoir participer à cette soirée en compagnie d'Ellico et de Mary. J'en fus écarté en prétextant que j'étais trop jeune. Je fus scandalisé par cette injustice, en effet Mary était ma cadette d'un an et j'avais à peine six mois de mois qu'Ellico. Un véritable scandale, qui déclencha des hostilités d'une rare violence. 'Louis Le Magnifique' en guise de représailles à mon encontre me fit remonter à Tallard pensant ainsi me priver de vacances. Le plus dur, pour moi, était de mettre un terme au flirt avec Mary. Le reste m'importait peu. Ainsi durant les trois semaines qui restaient à traverser seul, j'évitais de me trouver à l'appartement lorsqu'il quittait le cabinet médical pour prendre une collation ou lire une revue professionnelle. Je m'organisais pour me retrouver avec mes camarades d'enfance: jean Louis Dévoluy qui habite toujours à Lettret, Jean René Legris dont les parents habitaient Nanterre et qui venaient passer leurs vacances d'été à Tallard dans leur maison de famille qui se trouvait sur la Place du Commandant Dumond. Je me souviens encore de son père ingénieur dans la marine qui pouvait démonter en une nuit le moteur de sa vieille Citroën une '7UA' datant d'avant guerre. Il y avait aussi Éric De Ligondès dont le père architecte avait entièrement refait la maison en face de chez nous. Ainsi 'Louis Le Magnifique' dû se rendre à l'évidence : ses mesures de rétorsions n'eurent pas l'impact souhaité. Mais bientôt l'heure de la revanche allait pouvoir sonner. En effet lorsqu'il fallu rapatrier tout ce beau monde resté aux 'Maurettes' mon père chercha à se réconcilier. Ses tentatives furent vaines, et il dû assumer seul le rapatriement du matériel . Dans les jours qui suivirent Nathela arriva la première à Tallard. Catherine vint vers moi pour me dire que mon père avait été 'très méchand' avec moi. C'était un peu tard pour me le dire et de tels propos me laissèrent perplexe.Une heure plus tard 'Louis Le Magnifique' arriva avec Marc et Anne. Ce fut un affrontement collectif dans lequel il n'y eu aucun vainqueur. Je pris néanmoins position en faveur de mon père car certains jugements qui furent prononcés étaient faux ou tendancieux. Le lendemain 'Louis Le Magnifique' vint me solliciter afin que je me reconcilie avec Nathela. Ce fut une fin de non recevoir. Je ne pouvais accepter plus longtemps que je sois un pantin que l'on mettait à toutes les sauces. L'année scolaire 1962-63 qui était celle de ma première fut marquée par ma détermination à cesser tout dialogue avec Nathela. C'est elle qui capitula en Juin 1963. Entrant de Gap, alors que j'annonçais ma réussite, elle me félicita de ce succés à la première partie du baccalauréat qui venait d'être requalifié 'Le Probatoire'.

Aucun commentaire: