dimanche 7 juin 2009

Pen Ar Bed: Un Projet Sociétal Majeur








Ma venue en Bretagne avait été justifiée par la nécessité de retrouver un emploi. Mais en acceptant l’offre qui était parue dans le journal de L’APEC, je ne savais pas encore que j’allais à travers mes nouvelles fonctions découvrir un projet sociétal majeur : ‘Celui du maintien à domicile’. J’ignorais tout de ce secteur qui constitue aujourd’hui un enjeu stratégique, de part sa spécificité d’emplois non délocalisables. A l’époque ce dernier aspect ne revêtait pas un caractère essentiel. L’accent était surtout porté sur le désir de l’individu à vieillir chez lui le plus longtemps possible. C’était d’ailleurs le leitmotiv qui était avancé par les responsables bénévoles du mouvement. Quoique pour les vétérans, ces derniers faisaient prévaloir que celui-ci était né après guerre pour aider en priorité les familles. De fait le maintien à domicile constituait pour ‘les anciens’ une dérive relevant plus des compétences des collectivités territoriales qui doivent répondre aux besoins de la société. Avec le recul du temps, je reconnais que l’argument était juste et pertinent. De fait le tissu associatif n’a pas pour objectif de se substituer à la puissance publique, mais de la compléter.
Mais l’interprétation qui était donnée à l’époque sur les évolutions à donner à la fédération faisait écho à l’action que mon père, en tant que médecin de campagne, avait menée auprès de ses patients durant une quarantaine d’années au pays de Tallard dans les hautes Alpes. En épousant ce projet, il y avait donc pour moi une sorte de réconciliation avec les valeurs qu’il avait voulu me transmettre dès mon adolescence. En lui ayant refusé de faire médecine, je le rejoignais quelque part sous l’angle de la gestion des problèmes de santé et notamment celui du vieillissement qui allait devenir croissant avec les progrès de la science médicale. De fait la controverse qui était menée entre les anciens et nouveaux bénévoles me paraissait subsidiaire au regard des enjeux que j’allais devoir relever en tant que directeur du mouvement. Toutefois j’étais surpris que les associations locales fassent si peu appel à des bénévoles du monde médical. Cette erreur m’apparaissait être le talon d’Achille que les politiques, au demeurant, ne manquèrent pas de me rétorquer lorsque j’accompagnais La Présidente lors de nos diverses démarches auprès des pouvoirs publics. Pour le politique ‘le bénévolat’ n’était pas synonyme de compétence. Le projet comportait en fait des enjeux politiques de poids au regard d’une ère de la gérontocratie qui se profilait à l’horizon.
A l’époque la présidence de la commission sociale du conseil général était assurée par Ambroise Guellec originaire de Peumerit et qui fut Maire à Ploudreuzic de 1978 à 2008. Ce dernier m’avait fait valoir lors de mes premières rencontres avec le Conseil Général, que notre organisme était spécialisé et centralisé. Monsieur Le Ministre lui avais-je répondu, spécialisé certes nous le resteront, centralisé nous mèneront les actions structurelles nécessaires pour nous doter de structures administratives de proximité.
Sur un autre plan, un enjeu vital se posait : celui du financement du maintien à domicile. Pour la plus part des responsables associatifs, les heures d’aide ménagère devaient être accrues par les caisses de retraite pour répondre aux besoins. Ces dernières faisaient valoir à juste titre que la vocation première des régimes de retraite était de verser les retraites à ses ressortissants et non de financer la perte d’autonomie qui était une conséquence de l’accroissement de l’espérance de vie. Ce distinguo entre besoins et financement fut souvent l’objet de querelles intestines qui bloquèrent les nécessaires évolutions qu’il fallait prendre pour relever les défis du vieillissement.
De fait l’institution était confrontée à trois problèmes majeurs :

1 Le financement de la dépendance,
2 Le statut des intervenants à domicile,
3 La nécessité de décentraliser

Une impérieuse obligation :

Dès 1962 le rapport Laroque avait mis en évidence les importants besoins de financement qu’il faudrait développer pour répondre au maintien à domicile des personnes âgées. De fait l’aide ménagère, consentie par les caisses de retraites, ne pouvait répondre à l’évolution de la demande. Alors que les pouvoirs publics recherchaient de nouveau modes de financement, il convenait au niveau des organismes gestionnaires que d’importants efforts soient effectués pour maîtriser les coûts de gestion. Or dès 1989 la demande d’heures d’interventions progressait annuellement dans une fourchette de 15 à 17%. Le challenge consistait à répondre aux besoins qui connaissaient une croissance exponentielle sans augmenter les coûts administratifs, ou du moins dans une moindre mesure. Une véritable gageure qui pût être obtenue par la mise en place de la lecture optique automatique des données. Ce système LOAD, dit OMR : Optical Mark Recognition, fut mis en place dès 1990. L’appareil avait une puissance de lecture de 3000 fiches par heure. Ainsi les 15000 fiches parvenant au siège pouvaient être lues en moins de cinq heures. Cette révolution technologique engendra une révolution culturelle, car elle exigeait du personnel de modifier sa technique de travail. Une vive résistance s’engagea car le personnel pensa à tord que sa compétence était remise en cause. La technique employée jusqu’alors restait valable en deçà d’un seuil d’activité, mais devenait obsolète si on voulait raisonner à effectif constant. L’argumentaire du personnel était de dire que le procédé n’était pas fiable puisque les rejets restèrent longtemps au dessus de 20%. La critique était en fait élogieuse puisque c’était admettre implicitement que plus de 12000 fiches étaient lues en automatique. Soit seulement 3000 fiches à saisir en manuel. Ce système fut par la suite repris au plan national afin de franchir une nouvelle étape avec la télétransmission des heures via les téléphones portables. Un tel système fonctionne aujourd’hui en de nombreux points du territoire permettant une gestion des heures en temps réel. Qu’en est il advenu en Finistère, je ne le sais pas puisque j’ai dût cesser mes fonctions en 2002. Toujours est-il que c’était l’étape à franchir si l’on voulait simplifier et renforcer l’efficience du mouvement.

Un Outil décentralisé :

La deuxième grande réforme que je dus mener, fut celle de la décentralisation fédérale . L’idée était de pouvoir assurer un service administratif de proximité pour aider les bénévoles dans leur mission. Ainsi une dizaine d’antennes administratives toutes informatisées et reliées au siège purent être crées progressivement de 1990 avec Audierne pour s’achever avec celle de Landerneau en 2000. Nous avions ainsi un vaste réseau intranet auquel certaines associations locales purent se raccorder. Ce système permettait aux responsables locaux d’accéder en simple lecture aux dossiers des personnes qu’ils aidaient. La toile informatique venait ainsi seconder et renforcer le tissu de bénévoles.
Ainsi la combinaison LOAD et décentralisation aboutissait à modifier profondément et durablement un système hyper centralisé que j’avais connu en 1986. Lequel aurait été irrémédiablement condamné, par la concurrence ou les collectivités territoriales comme les communautés de communes, si ces modifications structurelles n’avaient pas été menées à terme.
Une dernière étape fut franchie en 2001 avec la mise en place du site internet qui permettait aux familles éloignées du Finistère de conserver le contact avec l’association chargée d’assurer un service de proximité pour son parent isolé au fond d’une petite commune de Pen Ar Bed. Bien que l’ADSL n’était pas encore devenue monnaie courante comme aujourd’hui ; enfin je faisais de notre site une vaste tribune sur l’importante activité associative du mouvement. Il semble que ce dernier aspect ait disparu depuis.

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