dimanche 14 juin 2009

Epilogue : Un Legs Inattendu


En février 1945 mon baptême fut célébré en la paroisse Saint Vincent de Paul dans l’église des Réformés qui trône fièrement à l’extrémité des allées de Meilhan, en haut de La Canebière. ‘Louis Le Magnifique’ avait pour cette occasion sollicité son camarade de faculté Emile Yves Bourdoncle qui avait été déjà son témoin de mariage célébré quelques mois plutôt. Alors que mon père optait pour la médecine praticienne, mon Parrain avait porté ses préférences pour la chirurgie. Ainsi dès les années cinquante il fut l’inventeur de la chirurgie cardio-vasculaire. C’est seulement au début des années sixties, alors que j’étais revenu passer quelques jours à Marseille au 13 rue Adolphe Thiers avec mon frère Marc, que j’eu l’occasion de mieux le connaitre. Je le revois dans la véranda cherchant à m’expliquer les équations paramétriques du second degré nécessitant le calcul d’un discriminant pour obtenir les racines de l’équation. Cela correspondait au programme de mathématiques de la classe de seconde. Ce jour là Marc était allé à la clinique Bouchard pour ses séances de rééducation de son bras droit qui avait subi de multiples fractures. Bien que ses explications fussent brillantes je n’avais pas très bien perçu toutes les explications qu’il avait voulu me donner. Mais je restais admiratif qu’il ait pu ainsi me donner un cours de math aussi précis alors que cela faisait bien longtemps qu’il avait quitté le lycée.
Parfois lorsque nous venions à Marseille, ‘Louis Le Magnifique’ m’emmenait chez mon Parrain pour le saluer à son domicile du 99 cours Lieutaud. Son importante activité à la clinique Monticelli ne lui laissait guère de temps libre, ce qui expliquait pour une grande part nos rares rencontres d’autant que je vivais depuis 1956 à Tallard.
Ce n’est qu’en 1970, que l’on fut amené à mieux se connaître lors de l’hospitalisation de mon père que je décris à l’article 22 annonçant l’époque du ‘Bas empire’. Ainsi durant les deux mois de Juin-Juillet, nos routes se croisèrent dans les couloirs de L’Emeraude. C’est ainsi qu’il fut amené à venir chercher ‘Louis Le Magnifique’ qui avait fait ‘le mur’ de la clinique pour se réfugier à mon domicile du dixième arrondissement de la métropole phocéenne. Par la suite mon départ pour la longue odyssée mit un terme à cette relation qui avait été si brève, mais me laissant un si bon souvenir de ce brillant chirurgien qui avait consacré une grande partie de sa vie à ses patients.
Ce n’était pas le Parrain de Francis Ford Coppola qui décrit remarquablement la société mafieuse interprété par Marlon Brando. C’était le Parrain au sens noble du terme : celui qui tient l’enfant le jour de son baptême et auquel l’église lui confère le rôle de substitut au cas où le père viendrait à disparaître.
En choisissant Emile Yves Bourdoncle ‘Louis Le Magnifique’, qui m’avait dépouillé de l’argent de ma mère ainsi que des biens familiaux en provenance de ‘L’Entreprenant’, ne savait pas que par ce choix la providence allait me faire un legs inattendu. C’est mon retour en PACA, dès l’été 2004, qui me le fit découvrir.
Conversations d’Autrefois :
C’est en Août 2004, me trouvant dans les sous-sols du Belvédère que je trouvais un bottin de la cité phocéenne qui avait été abandonné et où figuraient encore les coordonnées de mon Parrain. Le vertige du temps me fit subitement vaciller, je ne l’avais plus revu depuis L’Emeraude, en juillet 1970. En revenant à Marseille, je pensais qu’il avait dût quitter la ville pour aller à Thorenc dans les Alpes maritimes y prendre sa retraite. Le camarade de ‘Louis Le Magnifique’ était donc encore là montant la garde et constituant l’unique personne que je connaissais dans l’antique cité que j’avais quittée depuis si longtemps. Depuis mon retour, je me rendais compte que j’étais devenu un étranger de cette ville chère à Pagnol et qui avait hantée, tant de fois, mes rêves. Tous les miens avaient rejoint ’Autrente’ à Saumur ou les allées de Saint Pierre, hormis ma mère qui s’était retranchée dans la perfide Albion. Il fallait que je reprenne contact avec ce Parrain qui incarnait toute cette époque glorieuse des ‘Glamorous Fifties’. C’est ainsi que l’on se retrouva trente quatre ans plus tard à son appartement du 99 Cours Lieutaud chaque vendredi après midi. Rien n’avait changé, le souvenir que je me faisais de ces lieux rarement visités étaient restés identiques, comme si le temps s’était figé.
Mon Parrain était dans sa quatre vingt cinquième année, il veillait sur sa femme Françoise qui était atteinte de la terrible maladie d’Alzheimer la plongeant dans une sorte d’autisme où toute communication devenait impossible. On évoqua cette époque de la médecine praticienne que ‘Louis Le Magnifique’ avait cherché à m’inculquer. Le bon sens dont il aimait tant parler et qui semble être oubliée au nom de la ‘statistique’ disait il avec un humour qui lui est si particulier.
Nos rendez vous du vendredi après midi devinrent une période privilégiée où le Parrain et le filleul apprirent à se connaître pour déboucher sur une sorte d’adoption comme le pratiquèrent les romains à l’époque de l’Empire.
Sur Les Chemins D'Ephèse:
Ces quelques années passées à ses côtés de Septembre 2004 à Février 2009 constituèrent une période d’intenses échanges chargée d’une profonde affection. C’était une relation relevant d’une adoption librement consentie de part et d’autre constituant par là un legs inestimable. Je conserve de par vers moi cette carte qu’il m’adressa un jour de 2005 : ‘Mon fils’. J’acceptais implicitement cette consécration qui fut un moment de reconnaissance que j’avais tant attendue de la part de mes parents naturels. Cela me rappelait étrangement cette œuvre magistrale de Marguerite Yourcenar : ‘Les Mémoires d’Hadrien’. Dans nos longues conversations, il lui arrivait de se taxer ‘d’Escobar’. Pour les néophytes ce n’est pas le sinistre trafiquant de cocaïne colombien qui fut abattu le deux décembre 1993. Il s’agit du célèbre jésuite casuiste né en 1589 à Valladolid, auteur d’une théologie morale dans laquelle il dédie une allégorie à l’Apocalypse. Dans le sens courant ‘Escobar’ désigne celui qui sait résoudre les cas de conscience les plus subtils. Effectivement ses professeurs d’université ne s’étaient pas trompés en le dénommant ainsi.
Le 10 Décembre 2007 sa femme fut rappelée à Dieu et repose depuis au cimetière de Thorenc là où son père y avait construit la maison familiale dont il fut l’héritier. Cet évènement allait marquer un tournant majeur. Après soixante ans de mariage, mon Parrain se trouvait à affronter la solitude au 99 Cours Lieutaud. Les résultats de cette situation eurent un important retentissement sur son état de santé. Subitement ayant relâché sa vigilance, des ennuis pulmonaires se manifestèrent l’amenant à ne plus pouvoir gravir les trois étages de l’immeuble. Il dût être hospitalisé à la Clinique de la Résidence du Parc au sein de laquelle il avait exercé la chirurgie cardio-vasculaire une vingtaine d’années de 1968 à 1989. Une époque venait de s’achever, Frédérique sa fille cadette le fit venir en Avignon où il réside depuis mars 2009 marquant un terme aux rendez vous du vendredi après midi. Seul restait en ma mémoire le silence de la voie Acadia là bas à Ephèse où séjourna Hadrien de la dynastie des Antonins fils adoptif de Trajan et dont mon Parrain avait hérité des qualités profondément humanistes. Ce père adoptif, camarade de ‘Louis le Magnifique’ qui accompagne mon dernier chemin…..

1 commentaire:

Copernic a dit…

Pour les néophytes, le discriminant se calcule selon la formule suivante:Delta= B2-4AC.